Si les plateformes de médias sociaux sont les principales sources d’information politique pour un nombre croissant de personnes, la majorité des utilisateurs de Twitter, chez nos voisins du Sud, ne sont pas abonnés aux politiciens du Congrès, à leur président, ou encore aux médias d’information, révèle une nouvelle enquête.
En fait, écrivent les auteurs des travaux, l’internaute moyen a bien plus de chances de s’abonner aux tweets de Tom Hanks ou de Katie Perry, qu’aux messages d’un politicien élu.
« Les internautes qui sont abonnés à des comptes politiques sur Twitter, cependant, s’en tiennent à des communautés numériques insulaires qui suivent et partagent largement des informations en provenance de leur propre groupe politique », indique Magdalena Wojcieszak, principale autrice de l’étude et professeure de communications à l’Université de la Californie à Davis, ainsi qu’à l’Université d’Amsterdam.
En d’autres termes, en lien avec les débats sur les « chambres d’écho » sur les médias sociaux, le petit groupe d’utilisateurs qui est abonné aux élites politiques affiche des biais politiques clairs et interagit avec ces élites de façon très unidirectionnelle.
Les travaux sont publiés à la suite de l’analyse de données regroupant quatre années de données provenant d’un échantillon rassemblant 1,5 million d’utilisateurs sur Twitter.
Les chercheurs ont conclu que même si le groupe d’utilisateurs des médias sociaux qui démontrent un biais politique en lien avec leurs comportements en ligne est de petite taille, il a néanmoins un impact. Ces utilisateurs sont beaucoup plus expressifs et participent davantage en ligne, et viennent donc amplifier la perception générale voulant que la polarisation politique actuelle soit sans précédent.
« Dans le cadre de ce projet, nous nous concentrons sur les politiciens à l’échelle fédérale, en raison de leur visibilité et de leur influence à l’échelle du pays, que ce soit en matière d’opinion publique ou de processus politique », mentionne Mme Wojcieszak. Malgré tout, en dépit de la proéminence et de l’impact des présidents, des élus du Congrès américain, des journalistes, des chroniqueurs et des médias d’information, les chercheurs ont constaté qu’à peine 40 % des utilisateurs de Twitter étaient abonnés aux publications d’un ou plusieurs membres de cette « élite ». Les 60 % restants ne suivent aucun acteur de la scène politique.
« En tenant compte du fait que nous avons analysé plus de 2500 comptes appartenant à des membres de la classe politique, comme Donald Trump et Joe Biden, ou encore ceux de chroniqueurs comme Rachel Maddow et Sean Hannity, sans oublier les grands médias comme MSNBC et Fox News, le fait que seulement 23 % de l’échantillon représentatif de 1,5 million d’utilisateurs soient abonnés à au moins trois de ces comptes est révélateur », indique Mme Wojcieszak.
Les chercheurs ont aussi constaté que les utilisateurs qui suivent les politiciens, les chroniqueurs et les médias sont bien plus largement abonnés aux membres de « leur camp » politique que ceux se trouvant à l’extérieur de ce groupe, dans une marge de 90 % contre 10 %, en plus de partager bien plus fréquemment les messages de ce groupe, plutôt que les autres (dans une proportion de 13 contre 1).
Et lorsque les internautes partagent justement ces messages « externes », ils ont tendance à ajouter des commentaires négatifs, ce qui vient encore une fois renforcer les biais idéologiques en ligne.
L’étude indique aussi qu’il existe une importante asymétrie idéologique : les internautes conservateurs partagent environ deux fois plus souvent des messages à l’« interne » que les partisans des démocrates, en plus d’ajouter des commentaires négatifs lorsqu’ils diffusent des messages pro-démocrates.
Conclusions étonnantes
« En général, la majorité des Américains utilisant Twitter ne sont pas suffisamment intéressés par la politique pour suivre ne serait-ce qu’un seulement membre de l’élite politique ou médiatique », a encore déclaré Mme Wojcieszak. Les chercheurs écrivent par ailleurs qu’ils ont trouvé que cela était surprenant, puisqu’il est généralement estimé que les utilisateurs de Twitter sont bien plus engagés, sur le plan politique, que l’ensemble de la population.
En raison de la radicalisation croissante aux États-Unis, de l’appui en déclin en faveur des normes démocratiques, et l’augmentation de l’appui envers la violence politique, les inquiétudes à propos des biais politiques sur les médias sociaux sont valides, peu importe la taille des groupes qui afficheraient ces biais, écrivent les chercheurs.
« Au même moment, nous devons nous rappeler que ces biais politiques sont très éloignés des comportements numériques de tous les jours de la plupart des Américains qui ne s’intéressent pas à la politique, qui ne s’en inquiètent pas du tout, et préfèrent se tourner vers le divertissement ou les sports. Nos conclusions devraient nous aider à garder tout cela en perspective, notamment en ce qui concerne les craintes à propos des « chambres d’écho » en ligne.