Baigné dans l’univers de sa fable performance Ô Loup ! au Lion d’or, l’homme affiche l’excitation d’un enfant. Pour la première fois de sa vie, le « détaché de presse » de 28 ans de loyaux services s’abandonne à la posture d’écriture. Une immersion directe et à la verticale, sur papier couchée. Cette « pluie fine par sa brièveté », comme Loui Mauffette aime la qualifier, coule sur nos têtes pour notre pur plaisir de voir naître ce poète en germination.
Enfance : colonne vertébrale
Maître idéateur d’événements cultes dont Poésie, sandwichs et autres soirs qui penchent, l’artiste tout terrain brûle d’une flamme intérieure. Celle inextinguible de l’enfance qui lui revient, tel un idéal. Avec Ô Loup!, il incarne ce petit gars criant espièglement cet appel à la menace de la bête qui rôde. Un amusement auquel s’adonne aussi l’homme contemporain, sans que quiconque ne le croit. Sensible aux genèses liant ses œuvres scéniques, Loui Mauffette y voit le frère jumeau de Est-ce qu’on pourrait pleurer un tout petit peu? présenté au FIL en 2015. « L’enfance est toujours là, je me réveille enfant, fils de poète et petit-fils de sénateur. Je veux me faire poète pour me délivrer… », lance en un souffle l’artiste libre.
Sur le format n’empruntant aucun attribut au cabaret malgré le lieu l’accueillant, Loui Mauffette a tendu les bras à une bande de complices : Patricia Nolin, Gilles Renaud, Maxime Denommée. Et à Catherine Catherine De Léan, royale dans le rôle de sa tante Estelle, et Étienne Lou, jambes croisées sur table, à lire la prose poignante de Robin Aubert, N’aie pas peur maman. Des flashes qui remontent, s’infiltrant à des messages muets. Ô Loup! réserve une version intime et débridée à la table familiale, et dans les recoins de l’adolescence, en souvenir de Bizet, Leforestier, Jonasz et tant d’autres. Tout un cycle d’humeurs et palpitations, de la mémoire douloureuse à la fête, comme un pivot d’antan sur un tourne-disque Sylvania.
Du père au fils
La jonction entre musique et poésie dans l’esprit de Loui Mauffette s’avère un réel trait d’union. Son père Guy Mauffette, comédien et poète légendaire, animateur de l’émission phare Cabaret du soir qui penche, de 1960 à 1973, inoubliable âme. Ami de Guy Béart et de Félix Leclerc, ses moments de préparation radiophonique où jazz, musique classique et québécoise s’amalgamaient, sont encore frais à la mémoire du fils. À la disparition de la figure paternelle en 2005, Loui y réagit par un réveil. Une course pour créer à partir de zéro plus forte que la respiration. « Je garde des souvenirs extraordinaires de lui, de mon enfance colorée, et je vais le garder au chaud… », exprime tendrement le créateur.
Écrire en cette époque quelque peu assombrie socialement ne tarit en rien l’élan de la plume de Loui Mauffette. Ce bouillon de conscience sociale qu’il admire n’est pas sa tasse de thé. Son engagement artistique s’inscrit ailleurs. Pas question de faire la morale à son public ! « Je veux faire du bien à l’âme et au cœur, faire rêver malgré la tragédie par ma présence sur scène… », clame-t-il instinctivement, carburant à la performance pour être le plus moderne possible. Avec un tel regain, une aventure à l’international pourrait-elle se profiler ? La France, certes, selon le vœu qu’exaucera l’ange gardien de Loui Mauffette, mais sans jamais trahir le « club des martiens »…
Ô Loup!
Au Cabaret du Lion d’Or
Lundi 26 septembre – 19 h
2 commentaires
Hélène Boucher, merci d’avoir prolongé ce moment magique de poésie.
Ces mots m’habitent encore et pour longtemps, quel plaisir de voir des gens si talentueux nous partager leurs coups de cœur d’une façon au bellement vraie..
Chère Suzanne,
Vos mots ont l’effet d’un baume sur ma plume, merci de votre solaire regard sur la littérature