Si je vous parle d’opéra et que je vous dis « triangle amoureux », vous me répondrez peut-être: « oui, on le sait, c’est toujours la même chose ». Ainsi, dans Il trovatore, de Verdi, on retrouve bel et bien un triangle amoureux, mais l’intrigue du livret de Salvatore Cammarano est plus touffue et je dirais même plus tordue, tant le drame s’ajoute au drame et la douleur à la douleur. Difficile d’imaginer pire atrocité qu’une mère qui jette au feu son propre enfant sans savoir qu’il s’agit de lui.
Avec une telle mise en place, le public est en droit de s’attendre à des interprétations poignantes, à une musique intense et à une atmosphère tendue d’un bout à l’autre. Eh bien, c’est ce à quoi ont eu droit les spectateurs présents ce dimanche, à la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Parmi ces interprètes de qualité, passons en revue les rôles principaux. Tout d’abord, Manrico livré avec conviction par un Luc Robert et sa voix juste, ronde et puissante lorsqu’il le faut. Une interprétation suffisamment bonne pour qu’on croit au personnage même si sa présence physique manquait parfois de conviction. Conviction un peu plus présente chez Étienne Dupuis, en Comte de Luna, qui occupe davantage les planches et impressionne par la puissance et la justesse de sa voix. On pourrait penser qu’il ne manquera jamais de souffle tellement cela semble facile pour lui d’occuper l’espace sonore. On aurait doublé le volume de la salle qu’il aurait tout de même impressionné les auditeurs du dernier rang.
Pour sa part, et c’est l’œuvre qui le veut ainsi, c’est surtout après l’entracte que la soprano Nicole Car, en Leonora, a eu la partie belle avec une partition qui lui a permis de nous ravir avec une voix pure, aux inflexions infinies. Un peu comme pour M. Robert, sa discrétion physique a été largement compensée par son interprétation vocale.
Mais la palme du spectaculaire et de l’interprétation théâtrale revient sans conteste à la contralto Marie-Nicole Lemieux, qui a reçu la part belle de l’ovation finale. Dans le rôle épouvantable d’Azucena, mère infanticide involontaire et meurtrière présumée, Lemieux nous en a mis plein la vue. Quant à l’aspect musical de sa prestation, disons qu’elle a impressionné dans les graves, mais peut-être moins dans les aigus.
Du côté de l’orchestre, que des félicitations pour les musicien.nes et pour le chef Jacques Lacombe qui a su insuffler autant d’intensité et de drame dans la fosse qu’il y en avait sur la scène. Les chœurs ont pour leur part livré une interprétation tout à fait correcte.
Comment parler des décors sans parler des éclairages, car ces derniers constituaient en eux-mêmes la moitié des décors. Résumons : simplicité, discrétion et efficacité pour les décors et les éclairages. La simplicité a aussi caractérisé la mise en scène de Michel-Maxime Legault, ce qui a permis de mettre davantage en valeur le talent des solistes.
Voilà un excellent début de saison pour l’Opéra de Montréal.