Si le gouvernement sortant de la Coalition avenir Québec (CAQ), sous la direction de François Legault, n’a toujours pas publié les études environnementales sur le projet de troisième lien, entre Québec et Lévis, même si le parti dit disposer de tels documents, l’organisation Équiterre a publié ses propres travaux, qui démontrent que les impacts environnementaux d’un tel projet seraient particulièrement négatifs.
Dans le cadre d’un rapport publié plus tôt cette semaine, Équiterre dit s’appuyer sur les « quelques données disponibles » à propos de ce qui serait, pour l’instant, un tunnel double, et a mené son évaluation selon quatre critères liés à la transition écologique : « l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre (GES) et l’empreinte environnementale, l’adaptation et la résilience, la justice sociale et autres cobénéfices, ainsi que la saine gouvernance ».
Ultimement, le résultat de cette évaluation est sans appel, soutient l’organisation environnementale : en fonction des critères retenus et des analyses effectuées, le projet de troisième lien de la CAQ n’obtiendrait qu’une note de 24 sur 75, soit 32 %.
« Il y a un consensus scientifique sur le fait que des projets comme le troisième lien entre Lévis et Québec n’ont pas leur place dans une société qui s’attaque sérieusement à la crise climatique et environnementale. Sachant tous les impacts potentiels de l’accroissement de la capacité routière, il est déplorable qu’on continue à faire fi de la science et mettre de l’avant de tels projets », explique ainsi Andréanne Brazeau, analyste politique en mobilité chez Équiterre, dans un communiqué accompagnant le rapport.
Sur le plan de la réduction des gaz à effet de serre, un argument avancé non seulement par le ministre sortant de l’Environnement, Benoit Charette, mais aussi par M. Legault, qui affirment notamment que le projet « permettra de réduire l’étalement urbain » et sera « de plus en plus emprunté par des voitures électriques », les experts consultés par Équiterre rappellent que la construction de l’ouvrage autoroutier nécessitera de très grandes quantités de béton, un matériau particulièrement polluant.
Pire encore, écrit-on dans le rapport, le projet entraînera aussi la création d’une « quantité astronomique de déchets », en raison des travaux d’excavation nécessaires.
Un étalement urbain exacerbé
L’argument caquiste de lutte à l’étalement urbain est par ailleurs démoli dans le rapport d’Équiterre, ses auteurs écrivant que le tunnel entraînera bel et bien un multiplication des constructions de logements à l’extérieur de Québec, notamment à Lévis, ce qui entraînera une hausse de l’étalement urbain, le tout accompagné des déplacements en voiture.
Cette croissance du parc immobilier mènera à empiéter sur des habitats naturels et des terres agricoles, un autre facteur de la dégradation de l’environnement.
L’idée d’un troisième lien retrouve, bien que très partiellement, certaines lettres de noblesse dans le rapport d’Équiterre, lorsqu’il est question de bénéfices socioéconomiques.
Cela ne signifie toutefois pas pour autant que les analystes approuvent ce volet du projet; avec une note de 39 %, les dispositions portant sur ce sujet spécifique sont loin d’obtenir la faveur des experts.
De fait, on juge que « a place prépondérante accordée à l’automobile dans la plus récente mouture du projet accentue les inégalités et les enjeux de santé et de sécurité, en plus de ralentir l’amélioration de l’offre multimodale et d’accroître la congestion dans la région de la Capitale-Nationale à long terme ».
Plutôt que d’investir dans du transport collectif efficace pour justement faciliter le déplacement des travailleurs de Lévis vers Québec, par exemple, un futur deuxième gouvernement caquiste engloutirait au moins 10 milliards de dollars dans un tunnel autoroutier dont l’utilité n’a jamais été démontrée, y compris par les études supposément déjà entre les mains de François Legault.
Par ailleurs, au Québec, pour chaque dollar dépensé en déplacements automobiles par un individu, la société paie 9,20 $, rappelle Équiterre.
Enfin, l’organisation dénonce le manque de transparence et l’absence d’études liées à ce projet pharaonique.
« L’analyse est claire : le troisième lien ne passe pas le test de la transition écologique. Il ne devrait pas aller de l’avant si l’on souhaite agir en bon gestionnaire et avec cohérence dans la lutte contre la crise climatique », martèle Marc-André Viau, directeur des relations gouvernementales chez Équiterre.