Les changements climatiques auront-ils un impact, à la hausse ou à la baisse, sur la force des vents? De toutes les variables, c’est peut-être la moins bien comprise. Tirer des conclusions définitives sur son évolution passée — et future — est impossible, tranche le Détecteur de rumeurs.
Pour les producteurs d’énergie éolienne, sa présence abondante est synonyme de profits. Mais le vent qui souffle à moins de 100 mètres du sol fluctue sans cesse et est par nature turbulent. C’est ce qui rend cette variable du climat si difficile à observer, à analyser et à modéliser.
Les vents qu’on appelle « vents de surface » sont des mouvements de l’air causés entre autres par des différences de pression atmosphérique. On les mesure grâce à des anémomètres, des instruments juchés à dix mètres du sol. Ces vents sont influencés par des fluctuations de températures et par des variables locales comme le relief, l’urbanisation et la présence de végétation.
À bout de souffle?
Après plusieurs années de mesures constantes par de nombreuses stations météorologiques —lesquelles sont munies d’anémomètres— on peut tenter de dégager des tendances. En 2010, une équipe de chercheurs franco-britanniques a par exemple analysé les enregistrements de vents de plus de 800 stations situées dans l’hémisphère Nord entre 1979 et 2008. Ce serait une des premières études d’envergure du genre.
Leur conclusion: les vents auraient diminué de 5 à 15 % selon les endroits, pendant ces trois décennies. Cette conclusion rejoint celle du Consortium québécois sur la climatologie régionale et l’adaptation aux changements climatiques (Ouranos). En 2015, ce consortium rapportait que « la majorité des stations québécoises présentent une tendance à la diminution de la vitesse moyenne des vents tout au long de l’année, entre 1953 et 2006 », même si quelques stations nordiques dérogeaient de ce constat général.
Et en 2021, dans le premier volet de son sixième rapport d’évaluation, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) faisait état d’une décélération des vents de l’ordre de 0,063 mètre par seconde par décennie, entre 1979 et 2018. Le GIEC prévoyait d’ailleurs qu’avec le réchauffement, cette tendance à la baisse allait se poursuivre dans la plupart des régions du monde.
Un gros « mais »
Le diable est toutefois dans les détails. Une étude internationale récente, se basant sur les données de 9000 stations météorologiques à travers le monde, rapporte une soudaine accélération des vents dans la dernière décennie. Selon les chercheurs, cela serait dû « à des changements dans des cycles océaniques de transport de chaleur dans l’eau et l’atmosphère ». Impossible de dire si la situation se renversera à nouveau dans les prochaines années.
Au niveau régional, le programme européen Copernicus rapporte une accélération des vents dans le nord de l’Europe et un ralentissement dans le centre du continent. Certains pays d’Europe occidentale ont même enregistré les vitesses de vent annuelles parmi les plus faibles depuis au moins 1979.
Bref, il reste beaucoup de travail à faire pour améliorer la résolution des modèles climatiques afin de pouvoir prendre en compte les effets locaux influençant les vents. L’industrie de l’éolien en dépend, sachant qu’il s’agit de la deuxième plus importante source d’énergie renouvelable au Canada. Dans certains pays, comme le Danemark, il s’agit d’ores et déjà de la principale source de production d’électricité. Une « sécheresse de vents » pourrait donc avoir des conséquences économiques majeures.