Sur 13 grands projets de « captage » ou de « stockage » du carbone représentant 55 % du CO2 ainsi « capturé » à travers le monde, 10 ont raté leurs objectifs, deux ont carrément échoué et un a été abandonné.
Rappelons qu’on désigne par ces expressions une série de technologies ayant en commun de capturer le CO2 à son point d’émission (usine, centrale électrique, etc.), puis de l’emmagasiner, par exemple dans une ancienne mine, pour une durée indéterminée. Si ces technologies étaient un jour employées à très grande échelle, elles pourraient soustraire un pourcentage non négligeable du CO2 qui, autrement, se serait retrouvé dans l’atmosphère. C’est la raison pour laquelle plusieurs gouvernements ont investi, ces dernières décennies, dans le développement de tels projets, et que des organismes comme l’ Agence internationale de l’énergie ou le Groupe d’experts sur les changements climatiques (GIEC) en tiennent compte dans leurs prévisions en vue d’une planète carboneutre.
Or, dans un rapport publié le 1er septembre, l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA), un regroupement d’analystes financiers de plusieurs pays, conclut que les résultats sont encore très loin en-dessous des attentes. En Saskatchewan, la plus grande centrale d’énergie dans le mondeà avoir été dotée d’une usine de captage de carbone (Carbon Capture and Storage, ou CCS), a capturé la moitié du CO2 initialement prévu (il s’agit de la centrale au charbon Boundary Dam, de la compagnie SaskPower). Même pourcentage du côté du projet australien Gorgon, financé par la pétrolière Chevron et associé à son méga-projet d’extraction du gaz naturel dans l’ouest du pays.
Et ce ne sont pas les moins « performants »: au Wyoming, l’usine de captage du carbone LaBarge, associée elle aussi à un site d’extraction de gaz naturel, et financée par la pétrolière ExxonMobil, n’a atteint que 36% de ses objectifs.
Le rapport de l’IEEFA note que même le projet Quest CCS qui, en Alberta, semblait avoir atteint ses objectifs, n’y arrive que par une façon différente de calculer : 21 % du carbone capturé n’apparaît plus dans la colonne des « économies » si on tient compte de la quantité de CO2 qui a été nécessaire pour le « capturer ».
Le co-auteur de l’étude, l’analyste financier Bill Robertson, est encore plus sévère dans ses commentaires sur le site de l’IEEFA: « en plus d’être très peu réaliste comme solution climatique, sur la base des trajectoires historiques, le gros de ce carbone capturé sera utilisé pour améliorer l’extraction de pétrole ».
Le fait que la technologie remonte aux années 1970 est aussi un mauvais signal : après tout ce temps passé à la décrire comme une solution dans la lutte aux changements climatiques, elle devrait récolter de meilleures notes. À sa défense, note le New Scientist, le marché ne l’aide pas, les incitatifs financiers à investir dans le captage du carbone étant rares.
Dans un communiqué, SaskPower s’est défendue en alléguant que sa performance était de 68 % plutôt que de 50 %. Selon Bill Robertson, cette différence vient du fait que l’étude a pris en compte les promesses initiales des 13 projets, alors que SaskPower calcule à partir de ses cibles plus récentes, qui ont été révisées à la baisse.