Les guerres durent plus longtemps, aux États-Unis, lorsque la Maison-Blanche est occupée par des présidents qui sont davantage narcissiques, révèle une nouvelle étude.
Ces travaux, qui ont porté sur les 19 présidents en poste entre 1897 et 2009, ont permis de déterminer que les huit chefs d’État qui ont obtenu un « niveau » de narcissisme plus élevé que la moyenne ont passé, en moyenne, 613 jours en guerre, comparativement aux 136 jours pour les 11 présidents moins narcissiques.
Au-delà des nombres, le lien entre le narcissisme et la durée des conflits a tenu bon, même en tenant compte d’une série d’autres facteurs qui peuvent jouer sur la longueur des guerres, indique l’auteur de l’étude, John P. Harden, qui a réalisé ces travaux en tant qu’étudiant au doctorat en sciences politiques, à l’Université d’État de l’Ohio.
Les résultats portent à croire que ce ne sont pas tous les présidents américains qui sacrifient leur image pour le bien de leur pays, indique encore M. Harden.
« Davantage de présidents narcissiques tendent à ne mettre fin à des guerres que s’ils peuvent dire qu’ils ont gagné, et ils prolongeront les conflits pour trouver une façon de déclarer la victoire. »
« Ils veulent avoir l’air héroïques, forts et compétents, même si cela veut dire continuer de livrer bataille au-delà de ce qui est raisonnable », a déclaré M. Harden.
Les résultats des travaux ont récemment été publiés dans le Journal of Conflict Resolution.
Faire cavalier seul
L’étude s’appuie sur de précédentes démarches de M. Harden, qui ont permis d’établir que les présidents les plus narcissiques préféraient déclencher des guerres avec d’autres grandes puissances, le tout sans chercher l’appui de leurs alliés.
M. Harden a étudié les présidents élus depuis 1897, soit environ depuis que les États-Unis sont devenus une grande puissance, et ce, jusqu’à George W. Bush, dont le mandat s’est terminé en 2009.
Afin d’évaluer le narcissisme présidentiel, le chercheur a utilisé une base de données créée en 2000 par trois chercheurs, afin de déterminer les personnalités des présidents.
Ces experts ont fait appel au savoir des historiens spécialisés dans les présidents américains, ainsi qu’aux connaissances d’autres spécialistes qui ont écrit au moins un livre sur un président. Chaque expert a répondu à un questionnaire de plus de 200 questions à propos du président qu’il a étudié.
En utilisant les résultats des tests de personnalité pour les 19 présidents en fonction entre 1897 et 2009, M. Harden a analysé cinq facettes du test qui sont liées à une mesure établie du trouble de la personnalité narcissique : des niveaux élevés d’assurance et de recherche d’aspects excitants, ainsi que de bas niveaux de modestie, de respect des règles et de franchise.
En fonction de ces résultats, c’est le démocrate Lyndon Johnson qui s’est avéré être le plus narcissique, suivi d’un autre démocrate, Theodore Roosevelt, puis du républicain Richard Nixon.
Les présidents les moins narcissiques se sont avérés être William McKinley (1897-1901), suivi par William Howard Taft (1909-1913) et Calvin Coolidge (1923-1929).
Cette étude s’appuie par ailleurs sur la base de données Correlates of War, qui définit une guerre comme des combats soutenus entre deux nations, où l’on compte au moins 1000 morts dans des affrontements, sur une période d’un an. En fonction de cette définition, les États-Unis étaient impliqués dans 11 guerres pendant la période étudiée.
Les résultats ont démontré que les présidents ayant un bas niveau de narcissisme, comme M. McKinley et Dwight Eisenower, « ont séparé leurs intérêts personnels des intérêts de l’État, et ont vu la guerre comme un dernier recours, en plus de chercher à mettre rapidement fin au conflit », a dit M. Harden.
Pendant ce temps, Franklin Roosevelt et M. Nixon, qui ont obtenu un « pointage » élevé en matière de narcissisme, « avaient des difficultés à séparer leurs propres besoins de ceux de l’État », et étaient impliqués dans de longs conflits, a poursuivi le chercheur.
Pas toujours de rationalité
Bien sûr, poursuit M. Harden, plusieurs facteurs déterminent si les États-Unis entrent en guerre, ainsi que la durée de ce conflit. Mais cette étude démontre que le narcissisme présidentiel est l’un des facteurs clés, dit-il, et ce sujet a été mis de côté lors de précédentes études.
« Les présidents ne portent pas toujours un regard rationnel sur une situation, lorsque vient le temps de prendre des décisions en temps de guerre. La plupart des présidents l’ont fait, mais d’autres portent davantage d’attention à leur propres intérêts, plutôt qu’à ceux de l’État. »
Toujours selon le chercheur, il existe plusieurs raisons, basées sur des preuves, expliquant pourquoi les présidents narcissiques devraient vivre des guerres plus longues, au-delà du fait qu’ils se concentrent sur leurs propres intérêts.
L’une de ces raisons est le fait que les narcissiques ont des visées guerrières plus importantes, et ont donc des attentes plus grandes en raison de leur agressivité et de leur croyance envers leurs propres capacités.
« Ils adoptent des stratégies inefficaces en raison de leur trop grande confiance envers leurs propres habiletés et objectifs conflictuels qui découlent de leur désir de tenter de protéger leur image d’eux-mêmes », a déclaré M. Harden.
Finalement, les narcissiques, en raison de leur besoin de protéger leur image de soi surdimensionnée, commettent des erreurs lorsqu’ils sont stressés et résistent à l’idée de revoir leurs stratégies, malgré leurs échecs.
M. Harden soutient que l’étude démontre que les présidents n’agissent pas toujours de façon rationnelle et dans les meilleurs intérêts des États-Unis lorsqu’il est question de prendre des décisions en temps de guerre.