Retraçant les grands moments de la carrière d’Elvis Presley et la façon dont son impresario, le colonel Parker, a abusé de l’artiste, le long-métrage Elvis de Baz Lurhmann, disponible cette semaine en 4K, Blu-ray et DVD, garde la mémoire du King bien vivante.
Avec le regard d’aujourd’hui, on pourrait penser que les scandales provoqués par les chansons d’Elvis Presley, largement influencées par le Gospel et la musique afro-américaine, et surtout ses déhanchements lascifs qui provoquaient une véritable hystérie auprès de la gent féminine des années 1950, sont anodins et qu’il n’y a pas là de quoi fouetter un chat. Il faut toutefois se replacer dans le contexte historique de l’époque, dans une Amérique puritaine et largement ségrégationniste, pour comprendre à quel point cet artiste a provoqué une petite révolution culturelle avec son attitude rebelle, et pas seulement chez nos voisins du Sud. Quarante-cinq ans après sa mort, le film Elvis de Baz Lurhmann permet à une nouvelle génération de s’initier au parcours de l’homme surnommé le King, et à son riche héritage Après tout, sans Elvis, il n’y aurait pas eu de Beatles, de David Bowie, de Sex Pistols ou de Marylin Manson.
Bien qu’il passe très rapidement sur certains chapitres de sa vie, le long-métrage réussit à condenser en 2h40 le parcours d’Elvis s’étalant sur trois décennies, de sa jeunesse dans le Sud des États-Unis à son tout premier enregistrement (That’s All Right Mama) chez Sun Records en 1955 en passant par sa première apparition télévisée nationale à l’émission de Milton Berle, les levées de bouclier et les pétitions pour le bannir des ondes, son contrat avec RCA, ses deux années de service militaire en Allemagne, sa rencontre avec Priscilla, sa future épouse, la mort de sa mère, sa carrière cinématographique (alors qu’il deviendra l’acteur le mieux payé de toute l’histoire d’Hollywood), son retour à la scène en 1968, sa résidence de cinq ans à l’hôtel International de Las Vegas, sa déchéance, les costumes quétaines bardés de paillettes, la paranoïa, la dépendance aux drogues, et sa mort par overdose le 16 août 1977.
Bien qu’Elvis soit la vedette incontestée du long-métrage, le scénario fait une large place au colonel Tom Parker, son impresario. Le film présente le portrait d’un homme manipulateur et rusé, qui contribua certes au succès de sa carrière, mais étouffa aussi sa flamme artistique en l’enfermant dans une cage dorée. Le colonel Parker se servit de son protégé comme d’une vache à lait, empochant 50 % de ses profits afin de financer sa dépendance au jeu. Il alla jusqu’à inventer des menaces fictives à sa sécurité pour l’empêcher de faire une tournée mondiale et préserver l’exclusivité secrète qu’il avait négociée avec l’hôtel International. Il fera injecter le King de multiples drogues pour l’aider à performer sur scène, malgré le surmenage. C’est la raison pour laquelle plusieurs affirment qu’il est directement responsable de son décès.
À l’image de son sujet, Elvis est une œuvre stylisée et flamboyante, qui se rapproche parfois du vidéoclip. Montage rapide, surimposition, Baz Lurhmann sépare souvent l’écran en deux, trois ou quatre images, comme un long-métrage des années soixante, et certaines séquences, dont celle relatant la fascination d’Elvis pour le héros Captain Marvel Jr. et la mort de son jumeau Jesse, sont carrément présentées comme une bande dessinée dont les cases s’animent. Le réalisateur a l’intelligence de montrer le numéro country bien sage précédant l’arrivée du King sur scène, afin d’illustrer le contraste et l’onde de choc provoquée par le chanteur dans l’Amérique des années 1950. Il insère Austin Butler par ordinateur dans un vrai film en Technicolor mettant en vedette Elvis, et incorpore à l’occasion des images d’archives de certains moments historiques, comme l’assassinat de Martin Luther King ou de Bobby Kennedy.
À part le haut du visage, particulièrement les yeux, Austin Butler ne possède qu’une vague ressemblance physique avec Elvis, mais selon les dires du réalisateur, l’acteur « livre une interprétation du personnage, et non une imitation ». Butler s’est manifestement beaucoup préparé pour le rôle. Bien qu’il n’ait pas le même timbre chaleureux et riche, il chante lui-même les morceaux des années 1950, dont les enregistrements trop vétustes ne permettaient pas d’isoler la voix, et quand il parle, en raison de sa diction et de son accent du Sud des États-Unis, on croirait vraiment entendre le King. Il bouge et danse également à la manière de l’artiste. Dans la peau du colonel Tom Parker et vêtu d’un costume de latex lui ajoutant un bon 150 livres, Tom Hanks est toujours aussi juste, mais je ne pense pas que cette performance du vétéran marquera les mémoires.
L’édition ultra-haute définition de Elvis contient le long-métrage sur disques 4K et Blu-ray, et inclut également un code pour télécharger une copie numérique. Le matériel supplémentaire donne un accès privilégié aux coulisses de la production. Le réalisateur, les producteurs et les acteurs abordent la vie d’Elvis et son héritage dans une première revuette faisant près de 25 minutes. Une autre est consacrée au choix des chansons pour le film, et aux influences musicales du chanteur, parmi lesquelles Rosetta Tharpe, Big Mama Thornton ou Arthur Crudup. Deux autres documents explorent les costumes et les décors, dont la reproduction complète de Graceland en Australie. Finalement, on trouve une vidéo de la chanson « Trouble » composée d’images du film, ainsi que tous les numéros musicaux du long-métrage individuellement.
À travers la biographie d’un homme qui n’était heureux que sur scène et dont l’influence se fait encore sentir aujourd’hui, Elvis propose surtout un portrait d’une Amérique en pleine ébullition. Les inconditionnels du King et tous ceux et celles qui désirent en apprendre plus sur lui passeront un bon moment avec cet hommage bien senti de Baz Lurhmann.
7.5/10
Elvis
Réalisation : Baz Lurhmann
Scénario : Baz Lurhmann, Sam Bromell et Craig Pearce
Avec : Austin Butler, Tom Hanks, Olivia DeJonge, Helen Thomson, Richard Roxburgh, Kelvin Harrison Jr., David Wenham et Kodi Smit-McPhee
Durée : 159 minutes
Format : UHD (4K, Blu-ray et copie numérique)
Langue : Anglais, français et espagnol