Voilà un objet bien particulier que le roman Sanaaq¸ de l’auteure inuk Mitiarjuk Nappaaluk, publié aux éditions Dépayasage. On pourrait épiloguer longtemps sur le fait que madame Nappaaluk n’a jamais fait d’études postsecondaires et que, malgré cela, elle est détentrice d’un doctorat honoris causa de l’Université Mc Gill, ou encore s’attarder sur les 22 livres qu’elle a écrits sur les traditions et les pratiques de chasse et de pêche inuites, la langue inuktitute et les paysages nordiques.
Mais parlons plutôt de son roman dont le texte a été recueilli en écriture syllabique inuit, translittéré en orthographe latine et traduit de l’inuktitut par Bernard Saladin d’Anglure. C’est un récit, en fait, qui ressemble beaucoup à une chronique et qui nous permet d’appréhender la vie des membres de la communauté de l’auteure dans de nombreux détails plus fascinants les uns que les autres. Si de nombreux ouvrages ou documentaires sont déjà accessibles pour nous renseigner sur la vie quotidienne des membres de cette Première Nation nomade, le style narratif de Nappaaluk donne à tout ça une saveur particulière. On s’y croirait !
Au-delà des gestes du quotidien, on est imprégné de la particularité des relations entre les membres de la communauté. Par exemple, le lien particulier qui existe à jamais entre une accoucheuse et les filles ou les garçons qu’elle a aidé à mettre au monde. En fait, l’auteur ne prend jamais de détours pour parler des choses importantes. Par exemple, son héroïne, Sanaaq est une féministe qui ne se laisse pas dicter ses choix par les hommes.
L’auteure nous présente des personnages francs et directs, pour qui l’hypocrisie est pratiquement inconnue. Malgré l’absence d’une réelle intrigue, les moments de suspense ne manquent pas et on n’étire jamais la sauce pour tenter de les faire durer. Le respect du savoir des aînés, transmis de génération en génération, et les expériences mystiques sont aussi abordés avec une grande simplicité.
L’insertion, en marge du texte, et la définition de nombreux mots et expressions dans la langue de l’auteure viennent colorer davantage cette incursion dans une culture qui nous est trop souvent inconnue. Voilà vraiment une lecture à s’offrir.