Se procurer des pédales automatiques — qu’on appelle « pédales à clip » au Québec — en même temps qu’un vélo de route tout neuf est presque devenu un rite de passage. Est-ce vraiment nécessaire, s’est demandé le Détecteur de rumeurs.
Pendant une bonne partie de l’histoire du vélo, seulement deux choix de pédales s’offraient aux cyclistes. D’un côté, la traditionnelle pédale plateforme (ou plate) sur laquelle il suffit de déposer sa chaussure pour pousser. C’est avec cette pédale que tous les enfants, et la plupart des adultes, ont appris à faire du vélo. D’autre part, les pédales avec cale-pieds intégrés, employées surtout, à l’origine, par les cyclistes les plus performants (le mot remonte à la fin du 19e siècle). Ces derniers avaient les pieds engoncés par une lanière fixée à la pédale. Pour s’arrêter, il y avait une seule option : porter la main à la courroie pour desserrer l’étreinte avant de pouvoir extirper la chaussure de la pédale.
Tout a changé lors du Tour de France 1984. Cette année-là, le coureur breton Bernard Hinault prend le départ avec des pédales automatiques, ou « clipless » en anglais. L’innovation que l’on doit à la société française Look, fait tourner toutes les têtes. Il suffit d’un léger mouvement de talon sur le côté et le cycliste se libère de son entrave. Le fait que celui qu’on surnommait le Blaireau termine deuxième au classement général de l’épreuve —et remporte l’édition suivante— n’a pas nui à la popularité du produit…
De nos jours, les pédales automatiques constituent la norme pour nombre de cyclistes — bien qu’il soit aujourd’hui beaucoup plus facile de sortir sa chaussure d’un cale-pied. Avoir la chaussure fixée à la pédale permet de pousser, mais aussi de tirer sur celle-ci. Si la pédale d’un vélo était l’aiguille d’une horloge, ne pas y être « clippé » signifierait que l’on ne peut forcer que sur la phase descendante, entre 12 h et 6 h, alors qu’être « clippé » signifierait qu’il est possible de forcer sur l’ensemble des 12 heures. C’est donc censé rendre le coup de pédale plus efficace et plus puissant. « Pour la même quantité d’énergie dépensée, vous vous rendrez plus loin plus rapidement », affirme un équipementier québécois.
Des bémols
Les rares études scientifiques sont pourtant beaucoup plus nuancées. À intensité faible ou modérée, pousser et tirer (lors de la phase de remontée) sur ses pédales automatiques est plus énergivore et diminue la puissance déployée, comparativement au simple fait de pousser (lors de la phase descendante de chaque pédale). Dans des conditions comparables, l’efficacité métabolique est identique selon qu’on mouline avec des pédales plateformes, avec cale-pieds ou automatiques. Plusieurs expériences confirment ces résultats.
Le portrait est tout autre à haute intensité. Les pédales automatiques ont bel et bien démontré qu’elles amélioraient la performance lors de courts efforts en côte, généralement réalisés debout sur les pédales. Les cyclistes qui y recourent lors de tels sprints génèrent plus de puissance, donc de vitesse, comparativement à un effort similaire sur des pédales plateformes ou avec cale-pieds. Que leurs chaussures soient en fibre de carbone ou non importe peu : elles convertissent mieux la puissance en vitesse.
Enfin, la notion de confort, bien que plus subjective, est aussi à prendre en compte. D’une part, les pédales automatiques peuvent être perçues comme un risque, par rapport à des pédales plateformes. Chez certains cyclistes en effet, être littéralement attaché à son vélo est source d’insécurité et d’angoisse. Ce qu’ont d’ailleurs compris des fabricants qui s’adressent spécifiquement à ce segment de marché. D’autre part, lorsqu’on doit laisser son vélo pour se rendre au resto ou au supermarché, marcher en canard avec des souliers à clip n’est pas toujours gracieux…