Avec son écriture intelligente, sa distribution impeccable et ses effets spéciaux convaincants, la troisième saison de la série télévisée For All Mankind et son histoire alternative de la conquête de l’espace est un must pour tous les amateurs de science-fiction.
Ayant scénarisé des classiques comme Star Trek: The Next Generation ou Roswell, en plus d’être le créateur du génial reboot de Battlestar Galactica, Ronald D. Moore est l’un des meilleurs auteurs de science-fiction du petit écran, ce qu’il prouve une fois de plus avec For All Mankind. À partir d’un seul événement, où les Russes mettent le pied sur la Lune les premiers en 1969, il élabore une uchronie captivante, où toute l’histoire de la conquête spatiale diverge de la nôtre, souvent pour le mieux. Les portes du cosmos sont ouvertes aux femmes comme aux hommes dans ce monde parallèle, et autorisée à commercialiser ses découvertes, la NASA engrange près de 75 milliards de dollars de profits annuellement, ce qui lui permet d’être indépendante du gouvernement et de financer ses propres missions. Grâce à l’adoption par le grand public de l’Hélium-3, un carburant propre utilisé par les navettes qui remplace désormais les énergies fossiles, même le réchauffement climatique est moins catastrophique que dans notre réalité.
Après que l’humanité soit passée à deux doigts de la Troisième Guerre mondiale, sur la Terre comme sur la Lune, la saison précédente de For All Mankind s’est conclue sur un apaisement des tensions entre Russes et Américains. Dix années se sont écoulées lorsque débute cette nouvelle saison. Les deux superpuissances annoncent leur intention d’envoyer des astronautes sur Mars d’ici 1996. Toutefois, un nouveau joueur entre dans la course, la compagnie privée Helios, qui ambitionne de fouler le sol de la planète rouge deux ans plus tôt. Cette annonce bouleverse les plans des gouvernements, et ceux-ci redoublent d’effort pour ne pas se faire damer le pion. Quand la NASA choisit Danielle Poole pour diriger sa mission, Ed Baldwin, l’autre candidat rejeté pour le poste, accepte l’offre d’Helios de commander leur vaisseau. Trois navettes quittent donc la Terre en l’espace de deux semaines, mais qui réussira à mettre le pied sur Mars le premier?
Avec les lancements récents de Space X, Blue Origin et Virgin Galactic, le privé joue une part de plus en plus importante dans l’exploration spatiale, mais la troisième saison de For All Mankind introduit cet élément dès les années 1990. La série aborde également un problème de plus en plus préoccupant, celui des déchets spatiaux cernant la Terre, alors qu’un débris touchera l’hôtel orbital Polaris, menaçant la survie de ses premiers hôtes. Les théories du complot jouent également un rôle important dans ces dix nouveaux épisodes. Bien que le récit s’articule autour de la compétition féroce entre les trois joueurs, le chemin vers la planète rouge est truffé de difficultés et de dangers, et la NASA, l’agence Roscosmos et la compagnie privée Helios se retrouveront à collaborer plus souvent qu’autrement. Malgré tous ces progrès technologiques, l’homosexualité demeure un tabou dans cette version alternative de l’Histoire, et quand un astronaute de la NASA fait son coming out en direct depuis l’espace, cet incident placera Ellen Wilson (Jodi Balfour), la nouvelle présidente des États-Unis, dans une situation délicate.
Les acteurs de For All Mankind sont aussi doués pour les scènes intimes et plus émotives que les moments d’action intense dans le vide intersidéral ou sur la planète Mars. Maintenant divorcés, Ed et Karen Baldwin (Joel Kinnaman et Shantel VanSanten) ont pris un coup de vieux, avec des maquillages ridant leurs visages et leur cheveux teints en gris, mais ils livrent encore une fois de solides performances. Soupçonnant sa patronne Margo Madison (Wrenn Schmidt) d’avoir fourni les plans du réacteur nucléaire de leur navette aux Russes, Aleida Rosales (Coral Peña) est touchante, déchirée entre la loyauté envers son pays d’adoption et la femme lui ayant permis de travailler pour la NASA. Il n’est pas facile de vivre dans l’ombre de parents célèbres, et les deux fils de Gordo et Tracy Stevens, Danny (Casey W. Johnson) et Jimmy (David Chandler) laissent transparaître, chacun à leur manière, les crises profondes les affectant, et leurs troubles de comportement qui mettent des vies en danger.
Plus proche de l’anticipation que de la science-fiction débridée, la troisième saison de For All Mankind propose des scènes spatiales époustouflantes, et une reproduction crédible des paysages austères de Mars, sans jamais trop exagérer la technologie à la disposition de l’humanité. Symbolisant à merveille la différence de philosophie entre les forces en présence, Sojourner, le vaisseau de la NASA est une pure merveille scientifique avec ses voiles solaires; les Russes ont fabriqué une énorme navette fonctionnelle mais inélégante, tandis que le privé se permet davantage de style et de luxe avec son Phoenix. On apprécie encore une fois l’utilisation de « deep fakes », qui détournent des images d’archives de figures historiques et leur fait dire complètement autre chose, par exemple le débat présidentiel entre Ellen Wilson et Bill Clinton, qui argumentent quant à la pertinence de la mission sur Mars.
Ronald D. Moore signe un autre grand classique de la science-fiction avec la série For All Mankind. Cette troisième saison pourrait bien être la meilleure à ce jour, et constitue à elle seule une bonne raison de s’abonner au service Apple TV.
8.5/10
For All Mankind: Season Three
Réalisation: Sarah Boyd, Wendey Stanzler, Andrew Stanton, Dan Liu, Craig Zisk
Scénario: Ronald D. Moore, Matt Wolpert et Ben Nedivi
Avec: Joel Kinnaman, Wrenn Schmidt, Shantel VanSanten, Jodi Balfour, Krys Marshall, Noah Harpster, Casey W. Johnson et Coral Peña
Durée: 604 minutes
Disponible sur Apple TV