Il faut fouiller longtemps dans ses souvenirs pour trouver des traces de l’affaire Lovaganza, un scandale ayant pourtant coûté des millions, voire des dizaines de millions de dollars. Et en visionnant La grande illusion, le documentaire sur cette sombre histoire réalisé par Aude Leroux-Lévesque et Sébastien Rist, on comprend, avec une frustration certaine, pourquoi ce dossier est disparu de l’actualité.
En 2009, Jean-François Gagnon et Geneviève Cloutier lancent officiellement le projet Lovaganza, qui devait être non seulement une trilogie hollywoodienne à grand déploiement, mais aussi un mouvement philanthropique permettant de « donner une chance égale à tous les enfants ». Rien de moins!
Étape par étape, le documentaire, de facture tout à fait classique, mais franchement efficace, permet d’entendre les témoignages de diverses personnes touchées par le scandale, qu’il s’agisse d’anciens employés, de proches, ou encore d’investisseurs, voire même des journalistes qui enquêteront sur cette affaire, lorsque l’odeur de fraude et de malversation commencera à devenir entêtante.
Car c’est bel et bien de fraude qu’il s’agit, selon l’Autorité des marchés financiers, qui déposera ultimement des centaines d’accusations contre le couple, leur entreprise et certains associés. Après avoir fait miroiter des retours sur investissement mirobolants (ce n’est jamais réaliste, méfiez-vous), les responsables de Lovaganza semblent plutôt vivre une vie de luxe aux dépens de Monsieur et Madame Tout-le-monde qui a parfois englouti de petites fortunes dans l’aventure, en croyant que la trilogie ferait effectivement l’objet d’une entente avec un grand studio ou un grand distributeur.
Et si le couple au coeur de l’affaire a bien fini par tourner des bouts de film, ici et là, on n’a jamais vu l’ombre d’un long-métrage. Ni même d’un projet sérieux. Et ce qui a été tourné était non seulement de mauvaise qualité, mais découlait aussi d’un processus grevé par quantité de problèmes qui tournaient généralement autour du manque d’argent, des paiements en retard, etc. Après tout, on ne peut pas voler l’argent si on le dépense!
Non seulement Lovaganza pue la structure pyramidale, mais en plus, ses créateurs ont donné une petite couche de vernis spirituel à l’ensemble de la chose, histoire d’aller toucher les cordes sensibles de bien des investisseurs qui finiront par tout perdre.
Mais le plus frustrant, ce qui fâche le plus, ce n’est pas que ce genre de fraudes existe, mais c’est que 13 ans après le début du projet, et plusieurs années après le début des poursuites par l’AMF, personne d’important ne soit encore derrière les barreaux. Le journaliste Pierre-Olivier Zappa aura d’ailleurs ce moment d’agacement, où il dira carrément ne pas comprendre pourquoi, des années plus tard, un crime économique d’une telle ampleur n’a pas débouché sur une demande d’extradition du couple Gagnon et Cloutier, ou contre des peines de prison pour le couple de gestionnaires qui les épaulaient. Ferme-t-on lâchement les yeux sur ce genre d’acte criminel, au Québec? Même quand des millions ont été volés?