Neil Gaiman est décidément fort productif : on lui doit de nombreuses oeuvres marquantes, dont American Gods, et justement Sandman. Les deux oeuvres ont d’ailleurs eu droit à leur adaptation au petit écran, avec la sortie, justement, de la transposition des bandes dessinées de Sandman, publiées dans les années 1980 et 1990, du côté de chez Netflix. Et le résultat est… intéressant.
Morpheus, sorte de divinité des rêves… Non, en fait, pas une divinité, mais l’un des sept Endless, sorte de créature à moitié divine seulement, est capturé lors d’une cérémonie occulte ayant eu lieu en 1916. Coincé dans sa prison pendant un siècle, il se fait non seulement dérober trois objets essentiels à l’exercice de son pouvoir – du sable, un masque et un rubis –, mais constate aussi, à son retour dans ses terres, que son royaume est à l’abandon. Et sans rêves, l’humanité court à sa perte.
Force est d’admettre que les gens de chez Netflix ont mis le paquet sur les effets visuels, afin de transposer l’univers de Gaiman de la page à l’écran. Avec 15 millions de dollars en budget par épisode, les créateurs de la série disposaient certainement d’une marge de manoeuvre confortable afin de faire progresser l’intrigue.
Et, pendant les premiers épisodes, Morpheus, ou Dream, ou le Marchand de sable… peu importe le nom que l’on souhaite lui donner, va bel et bien parcourir le monde pour tenter de retrouver les trois objets qui lui manquent, tout en cherchant à rétablir son pouvoir et réparer les pots cassés par 100 ans de mauvais rêves, d’étranges maladies et de cauchemars – eux aussi sous sa responsabilité – laissés libres d’agir comme bon leur semble.
Mais, et c’est probablement là l’un des aspects les plus surprenants, mais aussi les plus intéressants de cette série, le scénario change alors du tout au tout. Est-ce parce que Gaiman lui-même a changé de cap dans ses bandes dessinées? Les amateurs de séries télé, y compris ce journaliste, pourront être quelque peu décontenancés, d’autant plus que ce recadrement s’accompagne d’un ralentissement marqué du rythme.
Cela étant dit, avec Sandman, il faut tâcher de sortir du cadre traditionnel des séries, surtout celui, ironiquement, des plateformes de diffusion. Fini, ici, ce rythme exigeant que chaque épisode se termine sur un cliffhanger, ou que l’on soit constamment installé sur le bout de son siège en attendant la suite. Bien entendu, les scénaristes réservent quelques surprises, mais on n’a jamais l’impression que la chose est forcée.
Bref, Sandman est une très belle surprise. On regrettera peut-être le trop grand manque d’émotions du personnage de Morpheus, joué par Tom Sturridge, qui évoque pratiquement un cliché de l’homme sombre et torturé qui semble passer son temps à écouter The Cure ou My Bloody Valentine. La décision artistique fonctionne dans le contexte de la série – le personnage n’est pas humain, après tout –, mais cela peut parfois donner des résultats rigolos, sans que cela soit nécessairement voulu.
Ultimement, Sandman mérite que l’on s’y attarde, ne serait-ce que pour profiter de la très bonne distribution et des superbes effets visuels.