Le langage utilisé lors des conférences de presse du gouvernement britannique était intentionnellement « vague, fuyant et ambigu » afin de réduire l’imputabilité des propres politiques de Downing Street, révèle une nouvelle étude.
Ces travaux, réalisés par des chercheurs de l’Université Notthingham Trent, ont examiné 92 conférences de presse sur la COVID-19, et ont constaté que le conseil des ministres a utilisé de la « distanciation grammaticale » pour réduire l’ampleur de la responsabilité acceptée pour leurs propres décisions politiques.
Si une bonne partie des termes employés ont été vus comme une véritable tentative de développer une unité nationale, plusieurs occasions ont été identifiées, au cours desquelles le gouvernement a utilisé des « stratégie lexicogrammaticales » pour partager la responsabilité de ses décisions en matière de santé publique avec les électeurs, précise l’étude.
Le principal responsable des travaux, le Dr Jamie Williams, un expert en linguistique, mentionne que « de précédents travaux ont démontré qu’il existe des impératifs en matière d’éthique, de stratégie et de santé publique qui exigent une transparence au sein des communications lors des crises sanitaires ».
« Mais en fonction de notre analyse, certaines personnes pourraient arguer que ces exigences n’ont pas été entièrement respectées par le gouvernement britannique. »
L’ambiguïté, lors des conférences de presse, a tourné autour du mot « nous » par les ministres, ce qui, selon les chercheurs, est laissé ouvert à interprétation à savoir si cela fait référence au gouvernement, à un parti politique ou au public, en général.
L’un des exemples de ces méthodes a été recensé lors d’un discours de Dominic Raab, le 21 mai 2020, lorsque « nous » a d’abord été utilisé pour décrire les efforts de distanciation sociale au sein du public, avant que le contexte ne soit transformé pour évoquer les politiques gouvernementales.. M. Raab a ainsi déclaré que « nous devons tous renouveler nos efforts. Au cours de la pandémie, les gens de partout au Royaume-Uni ont effectué des sacrifices difficiles, mais essentiels, pour le bien commun. Alors, ne retournons pas à la case départ ».
« Nous pouvons tous jouer notre part dans le cadre des efforts nationaux, en faisant diminuer R (le taux de reproductivité du virus, NDLR), et en contrôlant le virus pour que nous puissions restaurer les choses qui rendent la vie agréable. Alors que nous suivons notre plan, notre système de dépistage sera notre guide. C’est l’information qui nous aide à trouver (une méthode pour combattre la maladie) et vaincre le virus », a-t-il ajouté.
« Au cours des derniers mois, nous avons développé une infrastructure nationale essentielle pour effectuer des tests à grande échelle. Nous avons déjà mis les fondations en place. Nous avons conçu le test, nous avons construit les centres de dépistage, et les capacités d’analyse en laboratoire. Nous avons créé des tests rapides pour la maison », a encore déclaré le ministre.
Un « nous » inclusif… et fuyant
Selon le Dr Williams, « le côté vague et fuyant du « nous » est fondamental en ce qui concerne sa valeur pour les discours politiques ».
« Lorsqu’ils utilisent le « nous », les politiciens peuvent abattre les murs séparant le gouvernement du peuple, ce qui aide à impliquer la population dans les décisions en matière de politiques publiques. »
Toujours selon le Dr Williams, « le public ne prend pourtant pas de décisions gouvernementales. Seul l’État le fait ».
« De telles utilisations délibérées et stratégiques du « nous » permettent aux politiciens d’évoquer un consensus à propos de gestes politiques, ainsi qu’à propos de politiques potentiellement controversées. »
Les travaux ont été publiés dans le magazine spécialisé Critical Discourses Studies.
De son côté, le coresponsable de l’étude, le Dr David Wright, précise que « l’affirmation, ici, n’est pas que le gouvernement se présente comme n’ayant aucune responsabilité, mais qu’il y a une tentative linguistique visant à réduire l’imputabilité étatique ».
« De plus, nous avons constaté que ce phénomène s’est aussi produit lorsqu’est venu le temps de concevoir des slogans, qui ont alors transformé des éléments de langages justement prévus pour être clairs en des messages ambigus. »