Plutôt que de calculer qui sont les plus grands pollueurs, un groupe environnemental a tenté de calculer qui étaient les plus grands financeurs de ces grands pollueurs. Sa conclusion : 10 institutions financières détiennent à elles seules la moitié (49.5%) de toutes les futures émissions de dioxyde de carbone.
Pour être exact, leur calcul tient compte de tout ce que les 200 plus grandes compagnies pétrolières ou gazières détiennent comme gisements en cours d’exploitation ou à exploiter. Ces 200 compagnies (Carbon Underground 200), combinées, possèdent 98 % des réserves connues de carburants fossiles, soit de quoi émettre 674 gigatonnes de carbone, si toutes ces réserves étaient exploitées.
Le bémol derrière le calcul du groupe FFI (Fossil Free Indexes), c’est que, même dans le scénario du pire, il est très improbable que ces 674 gigatonnes soient toutes extraites du sol dans les prochaines décennies: de plus en plus de pays sont engagés dans une démarche de réduction des gaz à effet de serre et de transition vers l’éolien ou le solaire. Mais l’aspect inédit de cette compilation est d’avoir identifié qui finançait ces compagnies, ou plus précisément, qui sont les financeurs qui reviennent le plus souvent dans la liste.
C’est ainsi qu’on retrouvait en tête du peloton, en date de février 2021, les multinationales américaines de gestion de capital BlackRock (qui se décrit comme « un des leaders mondiaux en investissements, conseils et solutions de gestion de risque ») et Vanguard, suivies par le gouvernement de l’Inde, la firme américaine de services financiers et bancaires State Street, et le gouvernement de l’Arabie Saoudite, à travers sa compagnie Aramco. Dans ce dernier cas, bien qu Aramco n’arrive qu’en 5e place, il faut savoir que le pays, lui, arrive en première place quant aux émissions potentielles, avec plus de 100 gigatonnes à lui seul.
La Banque centrale de Norvège figure aussi dans la liste (8e place) à travers son Fonds souverain. Le gouvernement russe arrivait, en février 2021, en 13e place, au milieu de plusieurs autres banques et firmes d’investissement américaines (Dimensional Fund Advisors, Fidelity Investments, Capital Group Company).
Les chercheurs de FFI justifient leur démarche par le fait qu’en théorie, identifier ces plus grands actionnaires permet de cibler plus efficacement ceux qui contrôlent les leviers économiques de l’exploitation pétrolière. Mais une firme de gestion de capital a un tel nombre de clients qu’elle n’est pas aussi facile à faire fléchir qu’un fonds de retraite ou une université — deux des cibles du mouvement de « désinvestissement » des carburants fossiles de la dernière décennie.