On connaissait principalement Herbert Lieberman pour ses fantastiques romans policiers, des oeuvres noires, complexes et puissantes. Il a pourtant publié, en 1993, Le maître de Frazé, un ouvrage avec un aspect policier, certes, mais surtout une étrange et incroyable oeuvre qui mêle horreur et science-fiction.
Dans un gigantesque château qui était autrefois français, mais qui a été démonté pierre par pierre, pour être ensuite reconstruit dans le Grand Nord canadien, un groupe de jeunes adultes vivent dans la peur constante de l’arrivée de leur mystérieux père, Jones, dont la visite annuelle correspond généralement au départ de l’un d’eux.
Sur ce fond d’ambiance évoquant La mort rouge, et avec une sinistre menace qui plane, à l’extérieur, voilà que l’impensable se produit : Jones est assassiné. Arrive un policier, le colonel Porphyre, qui aura pour mission de résoudre le mystère de cette mort inattendue.
À la fois lourdement teinté de science-fiction, avec ses histoires de métissage génétique, voire de clonage, et son action qui se déroule dans environ 50 ans, avec une histoire du monde qui ne correspond pas vraiment à notre propre passé –, mais aussi franchement imbibé d’horreur, avec cet étrange château perdu dans le milieu de nulle part, et ces créatures sadiques et violentes qui vivent dans les bois avoisinants… Sans compter l’histoire de ce Jones que ses enfants n’avaient jamais vu directement, auparavant – Le maître de Frazé est un bien étrange roman.
Lieberman s’en donne clairement à coeur joie, avec la possibilité, dans ces circonstances, de créer un univers comme il l’entend, sans vraiment devoir se conformer à des codes sociaux, historiques ou technologiques précis. Bien entendu, nous ne sommes pas dans le space opera, mais le côté science-fiction est juste assez présent pour faire en sorte que le récit détonne par rapport aux autres romans de l’auteur.
Le côté horreur, lui, évoque L’Île du docteur Moreau, ou n’importe quel film se déroulant dans des contrées éloignées, où les secours ont bien peu de chances d’arriver à temps.
Ultimement, si l’on peut déplorer que l’on finisse par nous expliquer bien des choses, plutôt que de les révéler dans le cadre de l’action du livre, Le maître de Frazé est un excellent roman qui vaut certainement la peine d’être vécu. Ne serait-ce que pour découvrir une nouvelle facette de la carrière de Lieberman.