Les décisions de la Russie en matière de politique étrangère sont souvent guidées par des élites, des intermédiaires, des compagnies privées et des groupes du crime organisé, plutôt que par les intérêts nationaux, révèlent une nouvelle étude.
Comme le mentionnent des chercheurs des universités d’Exeter, d’Oxford et de Rijeka, qui ont réalisé ces nouveaux travaux, identifier et suivre les flots financiers illicites, en Russie, est particulièrement difficile en raison de la nature politisée des régimes judiciaires autoritaires, ainsi qu’à cause de certaines informations manquantes. Pouvoir « suivre l’argent » est complexe parce qu’il existe peu ou pas de systèmes de surveillance et de suivi.
Les chercheurs ont ainsi tenté d’établir la structure des pratiques illégales ou malfaisantes, en Russie, à l’aide d’un examen de la littérature scientifique déjà disponible, ou en analysant les pratiques de ceux et celles liés au Kremlin. Cela a permis de catégoriser divers types d’influences qui créent les conditions nécessaires à ces flots financiers illicites.
Cela comprend les activités politiques, qui brouillent la séparation entre les activités formelles et informelles à des fins diplomatiques et d’influence politique, afin de favoriser les candidatures et les partis politiques favorables à la Russie; les activités médiatiques, qui visent à combiner vérités et mensonges en concevant et en disséminant des histoires favorisant la Russie et des personnalités prorusses, et la violence politique, qui vient jeter le doute sur la différence entre les utilisations légales et illégitimes de la force pour s’assurer du contrôle de projets d’investissements, déstabiliser des régions et saper ou carrément éliminer l’opposition.
Selon la Dre Catherine Owen, l’une des chercheuses impliquées dans le projet, « il est virtuellement impossible de clarifier la relation entre la politique étrangère russe et les flots financiers illicites, puisque la politique étrangère russe possède une importante caractéristique financièrement illégitime, ou kleptocrate ».
« Où l’on trouve de l’implication russe à l’étranger, il est aussi fort probable que des intérêts financiers illicites soient présents. Les initiatives de la Russie à l’international facilitent l’investissement d’argent obtenu par la corruption; et dont, les relations informelles de patronage qui facilitent cela, ainsi que les conditions politiques domestiques au sein desquelles elles sont intégrées, sont des facteurs clé du processus de prise de décision en matière de politique étrangère russe. »
De son côté, le Dr Tom Mayne affirme « qu’il est difficile de prouver la présence de flots financiers illicites spécifiques, mais nos travaux portent à croire que les activités étrangères mal intentionnées financées par les élites russes cherchent à permettre d’obtenir des résultats favorables pour les milliardaires ayant de bonnes relations avec le Kremlin ».
« Le « politique », les « médias » et la « violence » sont utilisés tous ensemble, et se renforcent mutuellement. »
« Les principaux acteurs, en matière de décisions et d’accomplissements russes du côté de la politique étrangère, ne sont pas des institutions d’État, mais les élites, les intermédiaires, les compagnies privées et les groupes criminels, et l’aspect qu’ils adoptent varie largement. »
Pour sa part, une autre chercheuse, la Dre Tena Prelec, juge que « les initiatives russes en matière de politique étrangère peuvent offrir une légitimité, ou une « couverture » pour de récentes décisions. Ces initiatives peuvent ensuite être développées via des ententes légitimes. Bien souvent, les personnes qui concluent de telles ententes, à la fois du côté russe et chez les pays partenaires, sont des personnes très riches ayant des liens personnels avec une vaste gamme d’industries et de secteurs de l’économie, qui peuvent utiliser ces accords pour s’enrichir ».