L’envoi au dépotoir de produits en plastique dans les îles du Pacifique est une forme de colonisation par les déchets, ce qui entraîne une pollution plastique disproportionnée dans la région, en plus de menacer la santé et le style de vie des ses habitants, indique une nouvelle étude. Ses auteurs affirment qu’il fait prioriser les perspectives des habitants autochtones, pour régler le problème de la pollution par le plastique.
Dans le cadre de travaux publiés dans Journal of Political Ecology, les auteurs de l’étude disent appeler à cesser de favoriser les perspectives des habitants non-autochtones et des entreprises commerciales intéressées.
Comme le rappelle la coautrice Dre Sascha Fuller, anthropologue environnementale à l’Université de Newcastle, malgré les impacts plus que négatifs qui sont bien connus, le rythme de production de plastiques toxiques et de leur consommation ne cesse de croître.
« La pandémie a eu un effet important sur notre demande pour des plastiques à usage unique, qui sont ironiquement décrits comme étant « plus santé » et propres », a-t-elle déclaré.
« Mais plusieurs plastiques à usage unique sont problématiques, de par leur nature toxique, et cela les rend particulièrement dangereux, autant pour l’environnement que pour les humains. »
L’étude révèle que la pollution plastique recensée dans le secteur est le fait d’une « colonisation ». La région est effectivement affectée de manière disproportionnée par le plastique en raison de son emplacement, au sein des courants océaniques.
« Malgré le fait que cette région se trouve sur la ligne de front dans la lutte contre la pollution plastique, elle n’a pas eu de siège à la table de discussions en vue de trouver une solution. Cela doit changer si nous voulons nous attaquer à ce désastre planétaire », a poursuivi la Dre Fuller. « Les peuples de la région du Pacifique ont la solution, ils ont les connaissances scientifiques, ils ont réussi à gérer et protéger leur océan pendant des milliers d’années. »
Un nouveau traité mondial pour stopper la pollution plastique
Un traité des Nations unies visant à mettre fin à cette pollution plastique sera en vigueur en 2024, et comprendra une « approche par cycle de vie » pour combattre ces déchets, dans le cadre de laquelle les fabricants de produits en plastique seraient plus imputables.
La Dre Fuller espère que les conclusions de la nouvelle étude influenceront la mise en place du nouveau traité.
« La question de la pollution plastique ne peut pas être réglée dans une optique de gestion des déchets », explique-t-elle. « Elle peut seulement être réglée par des mesures de prévention, y compris des restrictions en matière de production et de distribution des plastiques nocifs. »
« Cela impliquerait la régulation de la production de plastique vierge (du plastique non recyclé, NDLR), et des normes de conception et de fabrication pour s’assurer que tous les plastiques sont sécuritaires et recyclables. L’ajout de mises en garde sur les plastiques toxiques, à l’instar de ce qui est ajouté sur les paquets de cigarettes, devrait aussi être impliqué dans la mise en place du traité », a encore indiqué la Dre Fuller.
L’importance des solutions autochtones
Les voix des premiers habitants de la région se retrouvent au coeur de l’étude, alors que 16 leaders autochtones spécialisés dans le domaine de la prévention de la pollution plastique ont été consultés, et que des connaissances scientifiques et épistémologiques autochtones ont été incluses dans les travaux de recherche.
Toujours selon la Dre Fuller, la solution à la pollution plastique se trouve du côté de la reconnaissance des solutions et du leadership autochtones.
« Si nous allons véritablement nous attaquer à la pollution, alors les connaissances traditionnelles doivent faire partie de la solution. »
De telles solutions sont déjà en place, notamment le remplacement des sacs plastiques à usage unique par des sacs traditionnels, appelés bilums, ainsi que l’utilisation de produits comme des peaux de banane et des noix de coco utilisées pour tresser des paniers, ainsi que pour emballer des aliments.
En 2019, les Samoa ont d’ailleurs tenu les premiers Jeux du Pacifique sans plastique.
« Colonialisme » plastique
Comme le mentionne la Dre Fuller, le fait que les pays de la région ne représente que 1,3 % de la pollution plastique mondiale, mais est confronté à une majeure partie du problème planétaire, représente une injustice environnementale. Pour elle, il s’agit de colonialisme par les déchets.
« Les nations de cette région sont actuellement mal équipées pour gérer les impacts coûteux et nuisibles de ce problème mondial, qui est gigantesque et d’origine externe », a mentionné la Dre Fuller. « Si les pays de la région Pacifique doivent renforcer leurs lois concernant les plastiques, ce n’est pas le principal enjeu, ici. La question la plus importante est ce que le reste du monde fait… ou ne fait pas. »
« La pollution plastique se retrouve dans la région via les échanges commerciaux, le tourisme, l’industrie de la pêche et la pollution marine, qui se déplace en fonction des courants océaniques, en plus de découler des voies pour le transport maritime, et qui se retrouve dans l’océan Pacifique. Les déchets finissent sur les côtes et sur les terres des Nations autochtones du Pacifique, ce qui nuit à l’environnement, à la santé humaine et aux emplois. »
Pire encore, affirme la chercheuse, les efforts de protection locaux sont mis en échec par les grandes compagnies disposant d’intérêts économiques dans la région. Par exemple, en 2021, Coca-Cola a cessé de distribuer des bouteilles en verre, dans les Samoa, au profit des bouteilles en plastique via un distributeur local, ce qui a augmenté la pression sur les gouvernements locaux et les communautés, afin de gérer encore plus de plastique.
Ajoutez à cela les barrières empêchant d’accéder aux plus récentes percées scientifiques, et à le peu de voix qu’ont les nations de la région dans les grands forums internationaux, et vous obtenez un problème de pollution plastique qui est toujours là.