Si l’on ne compte plus les film sur la Deuxième Guerre mondiale, le premier conflit planétaire, qui a pourtant ouvert la voie pour la suite des choses, est étrangement bien peu couvert. La faute, sans doute, au fait que la distinction entre « bons » et « méchants » est bien plus floue, ici. Cela n’a toutefois pas empêché Peter Weir, en 1981, de proposer Gallipoli.
Les connaisseurs de l’histoire militaire s’y retrouveront plus aisément, mais Gallipoli est le nom d’une péninsule turque, située au nord des Dardanelles, un passage particulièrement étroit qui relie la Méditerranée et la mer Noire, via Istanbul. Lors de l’entrée en guerre de l’Empire ottoman, les puissances alliées ont cherché à ouvrir un nouveau lien avec la Russie impériale, qui affrontait l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et les Ottomans à l’Est, en plus de chercher à « sortir » l’Empire ottoman de la guerre en provoquant la chute du régime.
Sur papier, l’idée a du bon. Cependant, l’exécution de ce plan, entre autres approuvé par un certain Winston Churchill, fut catastrophique : les Dardanelles sont un passage maritime encaissé entre des falaises sur lesquelles il est facile d’installer des batteries d’artillerie. Voilà pourquoi les Alliés débarquèrent des centaines de milliers d’hommes pour tenter de « nettoyer » la péninsule de Gallipoli. L’offensive, mené dans des conditions horribles (terrain montagneux, maladies, conditions environnementales éprouvantes), pris fin avec une défaite.
Voilà ce qu’a tenté de représenter Peter Weir, un réalisateur dont la réputation n’est plus à faire, et qui a, entre autres, réalisé Dead Poets Society, The Truman Show, Master and Commander : The Far Side of the World et The Way Back.
Avant tout cela, cependant, le voilà qui représente la vie relativement ordinaire et paisible de jeunes Australiens, en 1915. Archy Hamilton, âgé d’à peine 18 ans, est poussé à s’entraîner sans relâche pour devenir un sprinteur légendaire. Frank Dunne, lui, roule sa bosse, parfois en tentant de petites arnaques.
Les deux hommes deviendront d’abord amis, puis se retrouveront, un peu sans trop le vouloir, à s’engager dans l’armée australienne, qui répondait alors à l’appel à l’aide des Britanniques, qui manquaient d’hommes et devaient se tourner vers les autres pays du Commonwealth. Mais est-ce vraiment la guerre de l’Australie? Pourquoi quitter sa terre natale et parcourir la moitié du globe pour aller mourir sur les falaises de Gallipoli, qui plus est lors d’une attaque de diversion?
Peter Weir met de l’avant toutes ces questions dans son film. On peut peut-être, cependant, remettre en question la nécessite de consacrer la moitié de son long-métrage, qui dure tout de même deux heures, à mettre les pions en place, si l’on veut. Connaître l’histoire personnelle des deux personnages principaux n’est pas vraiment nécessaire; du moins, pas à ce point. On aurait apprécié, en fait, davantage de scènes dans les tranchées, à voir l’angoisse des soldats, à comprendre à quel point les Alliés sacrifiaient des hommes en raison de mauvaises informations transmises aux décideurs, ainsi qu’en raison de cette étrange notion tournant autour de « l’honneur national », alors qu’il n’y a pas grand chose d’honorable à s’entasser dans des cargos, pendant des semaines, pour aller mourir pour une puissance coloniale engagée dans une opération absurde.
Ultimement, est-ce que Gallipoli est un bon film? Bien tourné malgré les restrictions d’époque que l’on peut aisément imaginer, avec une bonne distribution, l’oeuvre est intéressante, ne serait-ce qu’en raison de son sujet. On sourcillera cependant devant les très longs chapitres consacrés à « préparer » l’histoire… Et devant cette musique typiquement années 1980.