Si Netflix se retrouve de plus en plus sous les feux de l’actualité en raison de sa bagarre pour conserver des abonnées, une chercheuse de la Queensland University of Technology juge que le géant de la diffusion en ligne ne devrait pas être comparésaux autres joueurs du marché, et que la notion de « guerre des diffuseurs » est caduque et dépassée.
« Toutes les compagnies qui offrent de la vidéo ne sont pas engagées dans un match à mort concurrentiel et bien peu de choses que nous connaissons à propos des industries de la télévision et du cinéma s’appliquent à des services comme Netflix », mentionne la professeure Amanda Lotz.
« Le fait de s’appuyer sur des stratégies qui ont fonctionné pour pousser les spectateurs vers les salles de cinéma, ou servir de public pour les publicitaires en revient à rater son coup. »
La professeure a récemment publié une étude intitulée Netflix, library analysis, and globalization : rethinking mass media flows dans le Journal of Communication. Ce document suggère que l’abondance d’analyses à propos de la santé et de l’avenir du secteur des diffuseurs de vidéo en ligne ne permet pas de vraiment comprendre les différences importantes, au sein de ce secteur, et à quel point ces différences sont essentielles pour prévoir l’avenir de l’industrie, et notamment la viabilité de ces services à l’extérieur des États-Unis.
« Les gens font l’erreur de classer tous les services installés aux États-Unis dans la même catégorie, en plus d’assumer que ces services poursuivent, uniformément, l’hégémonie américaine en matière de divertissement vidéo », a poursuivi Mme Lotz.
« Pourtant, notre analyse des titres qui composent les 17 principales bibliothèques de Netflix, dans autant de marchés, révèle que la plupart des oeuvres, y compris aux États-Unis, n’ont pas été produites chez l’Oncle Sam. En fait, environ 40 % des films et séries sont produits aux États-Unis. Parmi les autres grands producteurs, on trouve l’Inde, le Japon, le Royaume-Uni, la Corée du Sud, la France, l’Espagne, le Canada, la Chine, l’Égypte… le tout au sein d’un groupe comptant aussi 69 autres pays. »
Toujours selon la professeure, de leur côté, d’autres services sis aux États-Unis, comme Disney+, HBO Max et Paramount+ « offrent des bibliothèques de titres équivalentes à environ la moitié de l’offre de Netflix, et s’appuient très largement sur le contenu américain ».
Cependant, ajoute Mme Lotz, aucun de ces services, y compris Netflix, ne propose une offre importante de contenu produit localement dans les pays desservis à l’extérieur des frontières américaines.
« Netflix est distinct des autres services de diffusion, en offrant des contenus provenant de plusieurs pays. Malgré tout, la compagnie ne fait pas directement concurrence, pas plus qu’elle ne peut servir de remplacement au contenu local offert par des services nationaux, mais agit plutôt comme complément. »
Similaires, mais différents
« Au-delà des différences dans ce qu’ils offrent au public, les bases commerciales de ces services varient de façons qui nous obligent à ne pas assumer qu’ils participent à la même course, ou qu’il y aura un gagnant de ce que certains appellent la guerre des diffuseurs », poursuit la professeure.
« Offrir un accès illimité à une série de titres pour des frais mensuels, dans un marché qui n’est pas limité par les frontières nationales, ce que fait Netflix, est sans précédent. À quel point cela est-il durable, ou à quel point les investissements qui y sont consacrés sont de qualité, sont des questions bien différentes. »
Mme Lotz affirme par ailleurs qu’il est difficile de définir les critères selon lesquels les services de diffusion devraient être évalués.
« Le nombre d’abonnés ne nous dit pas grand-chose, particulièrement lorsque les services sont offerts à des prix bien inférieurs à ce qu’ils devraient coûter pour être durables », a-t-elle mentionné.
« Le nombre de spectateurs n’aide pas non plus; c’est une vieille façon de penser. Un service de diffusion est un ensemble de titres qui peut combler des abonnés cherchant différentes expériences, le tout en simultané. »
Aux yeux de la professeur, cet aspect est crucial : « Pour pousser à s’abonner, les diffuseurs doivent offrir quelque chose de plus intéressant que ce que les spectateurs peuvent obtenir gratuitement. Et donc, pour évaluer la valeur d’un service, le nombre de spectateurs doit être combiné avec une évaluation de la satisfaction produite par les titres offerts. »