Il y a l’Illiade, ce récit guerrier, forcément masculin, centré autour des faits d’armes des hommes partis combattre l’impudente Troie, ou ces Troyens, justement, qui donneront tout pour défendre leur cité. Et il y a l’Odyssée, là encore une légende très largement masculine… Se pourrait-il qu’il existe une autre option?
Dans Le chant de Shilo, publié aux Éditions Zoé, Sébastien Ménestrier s’intéresse à l’histoire d’une jeune femme qui, se faisant passer pour un homme, se retrouve embarquée avec Ulysse pour aller combattre avec les forces grecques, devant les murailles de Troie. Sur le chemin du retour, toujours en compagnie de son souverain, la voilà qui décide de rester derrière, après le passage sur l’île du cyclope.
Ce cyclope, d’ailleurs, n’est pas le seul de son espèce, et à travers une nature tranchant ici de façon marquée avec les horreurs de la guerre, notre héroïne découvrira l’existence de nombreux représentants de ces êtres, masculins et féminins, qui vivent leur vie, bien loin des préoccupations de Pâris, de Ménélas et des autres.
Sorte d’un retour à la nature – du moins, par rapport à la guerre à l’échelle quasi industrielle que viennent de se livrer les cités-États grecques et Troie –, sorte d’échappatoire hors du temps, ou encore sorte de rencontre du Troisième Type, avec ces créateurs cyclopéennes si près, mais en même temps si lointaines de l’être humain, Le chant de Shilo est à la fois une fable naturaliste et un récit féministe.
En quelques courts chapitres, Sébastien Ménestrier prouve, hors de tout doute, qu’il est encore possible d’insérer du neuf dans les récits de l’Illiade et de l’Odyssée… Et sans qu’il en soit nécessaire de mêler les dieux à tout cela, en plus!
Si on aurait certainement pu en prendre davantage, Le chant de Shilo peut aussi être considéré comme un tout : nul besoin de trop broder, nul besoin de trop en dire, cette escale imprévue sur le chemin du retour d’Ulysse est un ajout tout à fait apprécié à un univers littéraire déjà fort bien fourni.