Il aura fallu plusieurs années, à John Cudlip, pour accoucher de Happening, le premier album de sa formation baptisée Launder. Et après 3 ans, donc, et pas moins de 60 démos – excusez du peu! – voici donc 13 pièces, dans une rencontre kaléidoscopique entre le shoegaze et le rock un peu sale.
Il faut l’avouer, à l’écouter, on a rapidement l’impression que Happening est sorti à la fin des années 1990, ou, au plus tard, au début des années 2000. Aurions-nous miraculeusement échappé à une crise économique majeure, à l’élection de Donald Trump, à la pandémie et à la guerre en Ukraine?
Hélas, la réalité est plus simple : si le style évoque franchement les Dandy Warhols, circa début du siècle dernier, lorsqu’ils étaient à leur meilleur – bonjour Thirteen Tales From Urban Bohemia –, et surtout, surtout, surtout My Bloody Valentine, sorte de groupe concurrent s’articulant plus largement autour du shoegaze, ce rock éthéré, voire vaporeux, qui s’alimente aux fins d’après-midis ensoleillées et aux distorsions de guitare, eh bien, c’est parce que la personne responsable de l’échantillonnage, Sonny DiPerri, a justement travaillé avec My Bloody Valentine.
Bref, ce shoegaze déborde d’un peu partout, sur cet album pourtant paru en 2022. À croire qu’être un brin mélancolique ne passe jamais de mode.
D’ailleurs, les nostalgiques en auront pour leur argent : outre My Bloody Valentine et un brin des Dandy, on semble entendre certaines mélodies qui rappellent les belles années, notamment avec des arrangements qui évoquent les Cranberries, rien de moins.
Tout cela est bien beau, mais pourquoi souhaiterait-on écouter quelque chose qui évoque ce qui a non seulement déjà été fait, mais, surtout, qui a été fait il y a plusieurs décennies? D’abord, parce que même si Happening évoque le passé, il n’en reste pas moins que ce passé sonne bien. Juste assez de guitares, juste assez de percussions, juste assez de voix… On se laisse emporter par les notes vers ce qui semble être une pièce confortable, avec un futon surmonté de petites ampoules accrochées au mur, où les rayons de soleil de l’après-midi illuminent quelques particules de poussière en suspension dans l’air.
L’autre raison, et c’est possiblement le secret de cet album, en quelque sorte, c’est que les choses semblent véritablement prendre leur envol à partir de la cinquième ou de la sixième piste. Oh, cela ne veut pas dire que les premières chansons sont ennuyantes, mais disons qu’elles sont… communes? Banales? Trop similaires?
Bref, à partir des titres Become et Beggar, les choses se corsent, en un sens, et l’album devient alors franchement bon. Toujours dans le même style, mais on a finalement accès à une plus grande variété musicale, ce qui ne déplaira certainement pas aux mélomanes.
Happening est en quelque sorte un album comme on n’en fait plus, ou presque plus : une épopée au pays de la distorsion et de la mélancolie, un voyage dans un monde où l’on achetait encore des disques sous la forme de CD. Et il n’y a franchement rien de mal à ça, bien au contraire.