Au cinéma comme dans les romans ou la bande dessinée, le drame policier est un genre très populaire, mais scénarisé par le Chilien Claudio Alvarez et illustré par le Brésilien Geraldo Borges, The Last Detective injecte une saveur sud-américaine unique à son récit.
Jadis, Joe Santos était le meilleur flic du département de police de New Amazonia, jusqu’à l’apparition d’une nouvelle drogue de synthèse accordant beauté, pouvoir et succès à ses utilisateurs pendant cinq jours, après quoi leurs organes explosent dans d’atroces douleurs. En tentant de mettre fin à la vente de cette substance mortelle, le policier s’est jeté tête première dans un guet-apens tendu par le trafiquant Black Joao. Dans l’explosion qui s’ensuivit, Santos a non seulement perdu la trace du criminel, mais également la moitié de son corps, sa brillante carrière au sein des forces de l’ordre, ainsi que sa partenaire, Simone Madureira.
Condamné par les autorités pour négligence, le policier s’est vu imposer une peine de vingt ans de pénitencier, mais s’est enfui dans la jungle afin d’échapper à la justice, où il se terre encore aujourd’hui. Lorsque la drogue refait surface deux décennies plus tard et recommence à faire des ravages au sein de la population, la commissaire de police Marlen Madureira (la sœur de l’ancienne partenaire décédée de Joe Santos), décide de le retrouver et de lui confier l’affaire en échange d’une absolution. Reprenant du service à contrecœur, le détective sera obligé de faire équipe avec un automate, l’agent C-CILIA, chargé de le garder dans le droit chemin.
The Last Detective n’est pas la première histoire de flic déchu obtenant une seconde chance de résoudre une affaire l’ayant conduit à sa perte (et de trouver la rédemption en chemin), mais la particularité de ce tout premier comics publié chez Drakoo est d’emprunter un point de vue sud-américain, portant ainsi un regard différent sur un genre dont les codes sont pourtant bien connus. Alors que ce sont les fausses pistes et les détours sinueux de l’enquête qui font les bons polars, le principal point faible du récit est de toujours aller directement au but, sans ambages. Pour cette raison, même le revirement inattendu de la conclusion n’a pas tout l’impact qu’il aurait pu avoir.
Insérées à travers l’album, des pages du Amazonian Press, le « journal produit par des automates », viennent étoffer cet univers d’anticipation. En plus de revenir sur des événements auxquels on a assisté, montrant comment la presse officielle déforme la réalité, ces articles illustrent toute l’ampleur de la corruption du système politique et judiciaire de New Amazonia, ainsi que l’importance du vitrium, la locomotive économique du pays, par le biais de textes dénonçant énergie solaire, sa compétitrice, comme cancérigène. Les échanges entre Santos et sa partenaire robotique C-CILIA apportent une touche d’humour bienvenue à un récit autrement assez sombre.
Geraldo Borges a travaillé sur plusieurs séries chez DC et Marvel (Justice League, Wonder Woman, Wolverine, Star Wars: Tie Fighter, etc.), et c’est ce même style commercial, moderne et léché qu’il utilise pour illustrer The Last Detective. Même le format de l’album se conforme à celui des comics américains plutôt que la bande dessinée européenne. Avec sa coupe de cheveux militaire, son air bourru et son bras mécanique, Joe Santos, le héros du livre, ressemble beaucoup à Cable, un personnage iconique de l’univers des X-Men. L’artiste crée des scènes d’action électrisantes et très dynamiques, ne dédaigne pas une légère touche de gore avec ses explosions d’organes, et insuffle juste assez d’éléments futuristes à ses planches pour ne pas dénaturer l’ambiance typique d’une cité sud-américaine, où la chaleur et l’humidité semblent suffocantes.
Avec The Last Detective, Claudio Alvarez et Geraldo Borges introduisent un univers particulier qui mélange polar et anticipation, et un héros très prometteur, dont on apprécierait lire d’autres enquêtes. Souhaitons qu’il ne s’agisse que du premier tome d’une longue série…
The Last Detective, de Claudio Alvarez et Geraldo Borges. Publié aux éditions Drakoo, 72 pages.