Les systèmes ferroviaires d’un peu partout dans le monde pourraient aider à combattre la crise climatique et nettoyer l’air du dioxyde de carbone qui s’y trouve en récoltant l’énergie renouvelable produite lorsque les wagons freinent et ralentissent.
Ainsi, la compagnie américaine CO2Rail Company travaille depuis un certain temps avec une équipe de chercheurs, y compris des ingénieurs de l’Université Sheffield, pour concevoir une technologie qui permet de retirer le CO2 de l’atmosphère, technologie qui peut être employée à bord de wagons spéciaux qui seraient intégrés aux trains déjà en service.
Ces wagons fonctionneraient en utilisant de vastes bouches d’air qui s’étendraient jusqu’au corridor de vent créé par le train en marche, pour faire passer l’air ambiant dans une vaste chambre de collecte de CO2, et ainsi éliminer les systèmes de ventilation énergivores lorsqu’une technologie similaire est utilisée dans un bâtiment fixe.
L’air ainsi capté transite par un processus chimique qui sépare le CO2 de l’air; cet air sans CO2 quitte alors le train en passant sous celui-ci, ou en étant simplement rejeté à l’arrière, et retourne dans l’atmosphère.
Après la captation d’un volume suffisant de CO2, le récipient est refermé et le dioxyde de carbone est recueilli, concentré, puis stocké dans un réservoir liquide jusqu’à ce qu’il puisse être retiré du train. Le CO2 est par la suite intégré dans l’économie circulaire du carbone, en tant que produit supplémentaire à des fins industrielles, ou est transporté vers une décharge.
Chacun de ces procédés est alimenté exclusivement par des sources d’énergie renouvelable qui sont installées à bord du train, et qui ne nécessitent pas d’apport énergétique externe, ou de temps de recharge lorsqu’elles ne sont pas en fonction.
Lorsqu’un train applique les freins, son système de freinage convertit l’allant des wagons en énergie électrique, de la même façon que le fait un véhicule électrique doté des mêmes caractéristiques. Actuellement, cette énergie est dissipée sous forme de chaleur, et relâchée par-dessus le train lors de chaque manoeuvre de freinage.
Une démarche « urgemment nécessaire »
Selon le professeur Peter Styring, directeur du UK Center for Carbon Dioxyde Utilization, à l’Université de Sheffield, et coauteur des travaux, « la captation directe du dioxyde de carbone dans l’environnement devient de plus en plus urgemment nécessaire pour mitiger les pires effets des changements climatiques ».
« Actuellement, les énormes quantités d’énergies renouvelables créées lorsqu’un train freine ou ralentit sont simplement perdues. Cette technologie innovante utilisera non seulement l’énergie renouvelable créée par la manoeuvre de freinage, pour capter de grandes quantités de CO2, mais elle tirera aussi avantage des intégrations existantes au sein du réseau ferroviaire. »
Toujours selon le professeur Styring, « cette technologie recueillera des quantités importantes de CO2, le tout à des coûts bien plus réduits, et a le potentielle d’atteindre une productivité de 0,45 milliard de tonnes d’ici 2030, 2,9 milliards d’ici 2050 et 7,8 milliards de tonnes d’ici 3075, chaque wagon ayant une capacité de 3000 tonnes de CO2 par an à court terme ».
Comparativement à des activités utilisant la même technologie au sein de bâtiments, une déclinaison qui implique l’utilisation de vastes terres pour y construire les équipements nécessaires et les sources d’énergie renouvelable dont ils ont besoin, CO2Rail serait en déplacement et généralement invisible du public, affirment les spécialistes.
L’impact potentiel de cette technologie a pris de l’ampleur lorsque des organisations européennes spécialisées en transport ont annoncé, plus tôt ce mois-ci, qu’elles s’engageaient à tripler l’utilisation des réseaux ferroviaires à grande vitesse d’ici 2050, pour réduire l’utilisation de l’avion, qui est une source importante de pollution.
De son côté, Eric Bachman, l’un des responsables de CO2Rail Company, affirme « qu’en moyenne, chaque manoeuvre de freinage complète génère assez d’énergie pour alimenter 20 maisons pendant une journée complète, alors ce n’est pas une quantité d’énergie sans importance ».
« Multipliez cela par tous les arrêts ou les ralentissements pour presque tous les trains du monde et vous avez environ 105 fois plus d’énergie que ce qui est produit par le barrage Hoover pendant la même période, et cela était un projet de construction de barrage qui a duré six ans et coûté 760 millions en dollars d’aujourd’hui. »
Toujours au dire de M. Bachman, « imaginez monter à bord d’un train chaque matin, voir les wagons de CO2Rail y être attachés, et savoir que le fait d’aller travailler aide à combattre les changements climatiques ».
« Cela fonctionnera de façon identique avec le fret, s’il y a un choix entre le rail et un autre mode de transport, je crois que cette technologie va convaincre bien des transporteurs. »
L’équipe de chercheurs a constaté qu’un wagon équipé de la technologie de captation du CO2 pouvait recueillir environ 6000 tonnes de dioxyde de carbone par an. Et un train peut compter plus d’un wagon du genre, ajoutent-ils.
En tenant compte du fait que ce système est alimenté par de l’énergie renouvelable, les spécialistes estiment que le coût du projet pourrait être inférieur à 50 $ la tonne de CO2, et donc rendre cette technologie non seulement commercialement viable, mais aussi attirante.
Aux yeux du professeur Goeffrey Ozin, de l’Université de Toronto, l’autre coauteur de l’étude, cette technologie permettra d’aider à « sauver l’humanité ».
Les chercheurs tentent également de concevoir un système similaire qui permettrait de capter les émissions de CO2 des moteurs diesel des locomotives à moteur à combustion qui sont particulièrement répandues en Amérique du Nord, et ailleurs dans le monde.