Il y a longtemps que le regard historique sur l’hésitation vaccinale ne peut plus faire abstraction du rôle nocif joué par Andrew Wakefield et sa désinformation sur l’autisme. Mais en 2022, ce regard historique ne peut plus non plus faire abstraction du rôle joué par les médias sociaux.
« Le rôle des médias sociaux pour nourrir la dissémination de l’hésitation vaccinale et les conséquences de mieux en mieux documentées sur la santé, ne sauraient être surestimés », écrivent trois chercheurs en médecine et en épidémiologie dans une recherche publiée le 7 juillet par le New England Journal of Medicine.
Et le point de départ de leur article n’est pas la série d’inquiétudes des deux dernières années face au vaccin contre la COVID, mais la série d’inquiétudes face à celui contre la grippe H1N1, en 2009. Ils rappellent que déjà, à ce moment, une rencontre de l’Organisation mondiale de la santé avait prévenu que « le manque de confiance du public dans les vaccins risque de miner la volonté politique nécessaire pour réagir rapidement à une pandémie de grippe plus sévère dans le futur. »
Il est normal, rappellent tout d’abord les trois auteurs, que chaque campagne de vaccination soit accompagnée de hauts et de bas dans les périodes d’indécision: les « pics » peuvent être alimentés par un événement inattendu dans l’actualité, un reportage, une déclaration malavisée d’un politicien, un groupe extrémiste bruyant, etc.
Mais ce qui est moins normal, c’est l’accélération de ces hauts et de ces bas depuis le début des années 1990, une accélération qu’ils associent à l’arrivée d’Internet et, dans les 10 dernières années, aux médias sociaux. Ce changement de paradigme nécessite, écrivent-ils, des ajustements dans les façons de communiquer et de répondre aux inquiétudes face aux vaccins: « l’acceptation vaccinale peut être augmentée, mais la réponse aux préoccupations émergentes est la clef ».
L’hésitation, rappellent-ils, ne doit pas être confondue avec l’antivaccination: « la période d’hésitation et d’indécision est un moment de vulnérabilité, autant que d’opportunité. Les sentiments sur le fait de se faire ou non vacciner peuvent changer, et changer plus d’une fois, comme l’ ont montré de multiples enquêtes. »
Il faut donc être attentif à ces « préoccupations émergentes », et pour cela, il faut suivre leur évolution. C’est un des projets auxquels s’emploie la première auteure de l’article, l’anthropologue Heidi Larson, qui est directrice fondatrice du Vaccine Confidence Project. On lui doit aussi un livre de vulgarisation au titre révélateur, Stuck: How Vaccine Rumors Start and Why They Don’t Go Away (2020).
Les médias sociaux ayant les qualités de leurs défauts, ils peuvent être cet endroit où récolter des données en temps réel. Des expériences en ce sens sont en cours depuis le début de la pandémie, notamment sur Facebook et Twitter. Bien que les usagers de ces plateformes ne soient pas nécessairement représentatifs de la population, les premières données récoltées vont dans le même sens que les sondages effectués sur ces sujets. Et surtout, « le grand volume de données sur l’hésitation vaccinale » ainsi récolté fournit quelque chose d’inédit: une carte géographique de l’hésitation vaccinale à travers les États-Unis. De quoi penser à des réponses à ces « préoccupations émergentes », mais à des réponses qui, en plus, seraient ajustées régionalement, en utilisant les ressources locales ou communautaires —comme plusieurs l’ont recommandé pendant la pandémie.
Ce sera d’autant plus important dans le futur que, « considérant la nature changeante et dynamique de l’hésitation vaccinale », « garder la conversation ouverte sera essentiel pour identifier tôt ces préoccupations émergentes ».