Ces dernières années, parler de « perceptions » amène souvent sur le terrain controversé des perceptions erronées — et de la difficulté à faire admettre à une personne qu’elle a été trompée par une fausse nouvelle. Mais le concept de « perceptions » va bien au-delà, comme en témoigne un projet britannique de science citoyenne qui vise à cartographier les différentes perceptions du monde.
Par exemple, rappellent les concepteurs du projet, tout le monde ne voit pas le même ciel bleu… et ce n’est pas juste à cause de nos yeux, mais c’est un problème de vocabulaire: parce que nous utilisons tous le même mot, « bleu », nous ne réalisons pas qu’il y a une « diversité perceptuelle » autour de nous.
Leur projet, The Perception Census, cherche à recruter des milliers de volontaires qui, par le biais d’un questionnaire et surtout de tests sur les couleurs, le temps ou les sons (l’informatique ne permet pas de tester notre perception des odeurs…), espère ouvrir une fenêtre sur ces façons méconnues par lesquelles nous percevons le monde qui nous entoure.
Quantité d’études en psychologie ont certes observé, depuis des décennies, que des groupes de gens perçoivent leur environnement différemment. Mais au-delà des cas les plus évidents (la synesthésie, par exemple), la science a eu beaucoup de mal à distinguer entre ce qui est réellement perçu par une personne et ce qu’elle croit percevoir, par exemple parce qu’elle est sous l’influence d’une drogue, ou parce qu’elle a été induite en erreur par le scientifique qui menait l’expérience. En plus du fait qu’il s’agit de cas rares, et que bien des gens ne sont pas eux-mêmes conscients qu’ils perçoivent couleurs, temps ou sons différemment des autres: si l’étude atteint son objectif de faire participer des milliers de personnes, ça pourrait devenir la plus grande étude sur les perceptions jamais entreprise.
Le neurologue britannique Ani Seth y voit aussi un autre avantage possible : « En comprenant comment et pourquoi chacun de nous vit des choses différemment, nous pouvons aider à créer de l’empathie et construire de meilleures connexions entre nous ».