Selon la théorie couramment admise, il y a un milliard et demi d’années, un organisme primitif ressemblant aux bactéries actuelles aurait « avalé » un second organisme primitif: celui-ci serait progressivement devenu la mitochondrie, source d’énergie de chaque cellule vivante. Or, des découvertes récentes suggèrent qu’il y aurait aussi eu, au minimum, un troisième larron.
D’emblée, il y a longtemps qu’on a établi que la mitochondrie a ses propres gènes: bien qu’elle ne puisse pas survivre à l’extérieur de la cellule, cela suggère qu’à l’origine, elle était un organisme distinct. Mais plus récemment, des séquençages des gènes des bactéries d’aujourd’hui qu’on croit être les plus proches cousines des tout premiers eucaryotes — les premiers êtres vivants plus complexes — ont révélé des gènes qui ne semblent venir ni de « l’hôte » ni de « l’intrus ».
Ce n’est pas juste un débat pour les nerds de la génétique. L’arrivée de la mitochondrie est considérée en biologie comme un moment-clef de l’évolution, permettant le passage des bactéries sans noyau —les procaryotes— aux êtres vivants plus complexes — les eucaryotes — y compris les plantes et les animaux.
Le Scientific American rappelle qu’en 2021, le généticien de l’évolution Toni Gabaldón avait publié les résultats du décodage par son équipe d’une large éventail d’eucaryotes, y découvrant des gènes qui semblaient provenir eux-mêmes d’un large éventail d’ancêtres autres que ceux présumés de la mitochondrie ou de la bactérie primitive. Une de leurs hypothèses est qu’il aurait pu y avoir, au fil du temps, plus d’une tentative de symbiose, dont seule la « nôtre » aurait réussi. Une autre hypothèse est que plusieurs bactéries auraient été absorbées au fil du temps, laissant certains de leurs gènes au passage. Dans tous les cas, « il est maintenant clair qu’il y a eu des contributions additionnelles aux deux partenaires ». Et c’est sans compter le fait que certaines des structures internes de nos cellules peuvent elles aussi avoir une origine « externe », comme les membranes des « unités », ou organelles.
La biologie a un nom pour ça : endosymbiose, c’est-à-dire lorsqu’un organisme vit à l’intérieur d’un autre organismes. Dans plusieurs cas, chacun dépend de l’autre. Le fait d’avoir observé des endosymbioses qui sont plus récentes — à peine 100 millions d’années ou moins — pourrait de plus permettre de mieux mesurer le temps qu’il faut à une telle « association » pour se créer et « choisir » quels gènes et quelles protéines deviendront indispensables.