Le plus grand adversaire du transport collectif, ce n’est pas le fait d’accomplir des prouesses d’ingénierie, ou de prévoir le développement urbain plusieurs années, voire des décennies à l’avance. Non, le plus grand adversaire du transport en commun, tel que démontré de façon magistrale dans le nouveau documentaire End of the Line, ce sont les politiciens, les décideurs incapables de se brancher et les fonctionnaires qui ne finissent jamais par poser des gestes conséquents.
L’histoire a largement dépassé les frontières américaines : le métro de New York se dégrade rapidement, et avec ses plus de 7 millions de passagers par jour, qui empruntent un réseau fonctionnant 24 heures sur 24, il est difficile de trouver les ressources pour aller au-delà de l’entretien, qui est déjà une entreprise colossale.
Et pourtant, il le faut : le tunnel de la ligne L, qui passe sous la East River, doit impérativement être réparé, ce qui impliquera une fermeture de plus d’un an, et donc des conséquences majeures pour les résidents, les travailleurs, les commerçants…
Pourtant, les choses traînent, traînent, traînent, et ce n’est pas l’arrivée d’un spécialiste britannique, auparavant passé par Toronto pour y revamper le réseau de métro, qui y changera quelque chose.
Documentaire à la fois fascinant, notamment pour les amateurs de transport en commun, mais aussi particulièrement frustrant, en raison de l’obstruction, des luttes de pouvoir et de l’indécision des instances décisionnelles, End of the Line, réalisé par Emmet Adler, est une preuve irréfutable que rien n’est parfait en matière d’aménagement urbain et de développement, malgré la soi-disant bonne volonté de toutes les parties impliquées.
Il serait intéressant d’employer la même formule, et de s’intéresser aux projets de développement d’autres réseaux de métro, ailleurs dans le monde. Si certains pays ont l’habitude de mener les choses rondement, souvent en écrasant toute opposition, un documentaire similaire à propos de Montréal et du projet de Ligne rose de la mairesse Valérie Plante produirait sans aucun doute son lot d’étincelles.
Mais l’exceptionnalisme américain se transpose jusque dans ces cauchemars mêlant urbanisme, politique et usure des infrastructures. Sans oublier la pandémie, qui a largement retardé le grand projet de rénovation – une sorte de « refondation » du métro new-yorkais, en fait. Espérons que la sortie de la crise, ainsi que le départ des deux personnages particulièrement incompatibles, le maire de New York et le gouverneur de l’État du même nom, permettra de faire avancer les choses. Car sans réseau de métro fonctionnel, la Grosse Pomme ne sera plus que l’ombre d’elle-même. Et pas question, alors, que le plan titanesque évalué à plus de 50 milliards de billets verts serve d’exemple ailleurs en Amérique du Nord.