La Russie s’affaire à réinventer de la propagande vieille de plusieurs décennies, en invoquant de soi-disant principes humanitaires pour justifier son invasion de l’Ukraine, selon une étude publiée dans The International Spectator.
Réalisée par un spécialiste des relations entre la Russie et l’OTAN, cette analyse des déclarations officielles de la Russie en matière de politique étrangère, depuis l’effondrement de l’URSS, offre de nouvelles perspectives à propos des tactiques de Vladimir Poutine en matière de séparatisme.
L’étude identifie les tentatives de responsables pour masquer un changement de politique, en passant de l’interventionnisme à une invasion pure et simple d’anciennes républiques soviétiques. Ce changement est apparent à partir de 2008, lorsque la Russie a envahi la Géorgie, selon les travaux de recherche qui couvrent la période allant de la chute de l’URSS à la période contemporaine.
L’analyse a été effectuée par le Dr Vasile Rotaru, du département de relations internationales et d’intégration européennes à l’Université nationale d’études politiques et d’administration publique de Bucarest, en Roumanie.
Ses conclusions démontrent que le Kremlin emploie des modèles narratifs des années 1990 pour affirmer que les minorités russes ont besoin d’être protégées avec de l’aide militaire. Le Dr Rotaru affirme également que son analyse met de l’avant la façon dont la Russie a embelli des rhétoriques employées dans les années suivant l’implosion de l’URSS pour légitimer une approche plus agressive par rapport aux conflits sécessionnistes.
« Les arguments post-2008 cherchent à se définir comme s’inscrivant en droite ligne du passé », soutient le Dr Rotaru.
« L’objectif consiste à faire croire que la stratégie de la Russie par rapport aux conflits sécessionnistes est demeurée la même, c’est-à-dire soutenir militairement les régions séparatistes avec l’objectif proclamé de protéger les minorités russes vivant dans ces régions. »
« En utilisant des arguments déjà mis de l’avant dans les années 1990, le Kremlin fait croire qu’il s’agit de la continuité de sa stratégie par rapport aux conflits séparatistes. Cependant, les preuves empiriques ont démontré que depuis 2008, Moscou n’est pas simplement intervenue dans les territoires sécessionnistes pour faire pression sur les gouvernements centraux des États post-soviétiques. La Russie ne s’est pas non plus abstenue d’envahir directement ses voisins pour en contrôler la politique étrangère », a ajouté le chercheur.
Une démarche qui se répète
Dans la foulée de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, dont le déclenchement a suscité une vive condamnation internationale, mais aussi des craintes de l’éclatement d’une Troisième Guerre mondiale, le Dr Rotaru a constaté que les déclarations du Kremlin pour justifier son « opération militaire spéciale » ressemblaient largement aux allocutions concernant les conflits sécessionnistes en Ossétie du Sud, en Crimée, dans le Dombas, ainsi qu’en prévision de l’actuel conflit.
À toutes les occasions analysées, le chercheur a constaté que la Russie évoquait les questions de souveraineté et d’intégrité territoriale, et disait vouloir défendre le droit à l’autodétermination des « minorités menacées », tout en dénonçant l’autorité centrale du pays visé, que le Kremlin décrivait alors comme étant « illégitime ».
Pour le cas de l’Ukraine, la Russie a ainsi avancé que le gouvernement de Kiev était « nazi », tout en reconnaissant la légitimité des gouvernements autoproclamés de Donestk et de Lougansk.
De plus, l’étude indique que les déclarations russes en matière de politique étrangère, après 2008, font également référence à des injustices historiques, en plus d’invoquer le précédent du Kosovo (lors de l’indépendance de ce pays par rapport à la Serbie), ce que le président Poutine a utilisé comme prétexte pour justifier l’annexion de la Crimée.
Par ailleurs, la légalité des actions russes est présentée comme un aspect humanitaire de la politique étrangère du pays, et donc l’invasion de l’Ukraine est décrite comme respectant les textes de loi internationales.