Traditionnellement, les cotes de crédit sont basées sur la capacité démontrée d’une personne à effectuer un emprunt et à le rembourser. Mais avec l’apparition de bases de données plus vastes et l’accès à des programmes de modélisation sophistiquée, les prêteurs et les agences de crédit tiennent de plus en plus compte de facteurs autres que financiers pour calculer cette cote, y compris… les publications sur les réseaux sociaux, les résultats scolaires et la propension à s’arrêter pour acheter des grignotines lors d’un voyage en voiture.
Au dire de chercheurs de l’Université de Géorgie, ces nouvelles méthodes de calcul s’appliquent particulièrement aux gens qui ne possèdent pas d’un historique de crédit développé. Ce groupe tend à comprendre des personnes vulnérables qui sont souvent plus susceptibles de devenir des victimes de méthodes prédatrices de prêt financier.
Selon Lindsay Sain Jones, spécialiste en réglementation financière, le problème avec ces nouveaux systèmes d’évaluation, c’est que l’on ignore ce qui se passe au sein de l’algorithme responsable de calculer les cotes de crédit. À mesure qu’augmente le volume de données disponibles, la chercheuse juge qu’il est temps de mieux se pencher sur le fonctionne des systèmes de calcul des cotes de crédit aux États-Unis, et comment tout cela est réglementé.
« Si l’utilisation de données de crédit alternative est présentée comme une façon d’élargir l’accès au crédit, ce qui est un objectif admirable, cette utilisation a mené, à certaines occasions, à des impacts particulièrement négatifs pour les populations de certains groupes, en plus de permettre d’offrir des emprunts désavantageux à des personnes vulnérables », a ajouté Mme Jones.
Cette dernière, en compagnie de sa coautrice Janine Hiller, de Virginia Tech, affirme dans une nouvelle étude que le Congrès américain devrait mettre de nouvelles règles en place pour empêcher que ces services de cote de crédit alternatifs abusent des données des consommateurs, le tout dans le cadre du système national de détermination des cotes de crédit.
Des règles incomplètes
Selon les chercheuses, les nouveaux systèmes d’évaluation représentent des défis qui ne sont pas inclus dans les lois existantes chez l’Oncle Sam, soit le Fair Credit Reporting Act, ou encore l’Equal Credit Opportunity Act. Ces règles déjà en place permettent aux consommateurs d’accéder aux données qui affectent leur cote de crédit, en plus de lutter contre la discrimination contre les emprunteurs, en fonction de leur couleur de peau ou de leur genre. Cependant, ces lois ne s’appliquent pas directement à certaines données alternatives et font en sorte que bien des Américains n’ont pas accès au système de crédit.
Dans leurs travaux, Mme Jones et sa coautrice affirment qu’il faut encore mieux encadrer les agences de crédit, qu’il s’agisse des grands noms de l’industrie, ou encore les nouvelles entreprises qui recueillent des données. Pour elles, ces nouvelles normes sont aussi nécessaires que la codification des services d’alimentation en gaz naturel, en énergie, et en eau potable. Ainsi, la participation au système de crédit serait devenu aussi nécessaire que le fait d’avoir un téléphone ou d’être relié au réseau électrique.
Toujours selon Mme Jones, le principal problème des nouvelles méthodes de collecte d’informations de crédit est le flou qui les entoure, ce qui ouvre grand la porte aux pratiques prédatrices.
Avec ces nouveaux produits, les consommateurs ne savent pas quelles informations sont utilisées pour calculer leur score, et ne peuvent donc pas contester des informations erronées.
Certaines agences offrent une « amélioration du crédit » en échange d’un accès à leur historique de paiement des services publics ou de leur loyer. « Votre prêt a été refusé. Vous avez tout de même besoin d’argent. Alors vous leur donnez toutes vos données, et vous pourriez obtenir un point en plus à votre cote, ou rien du tout. Vous pourriez, ou non, avoir une chance d’avoir votre prêt, et ce qu’ils font avec vos données est décrit dans les conditions d’utilisation » que personne ne lit, soutient Mme Jones.
Les réseaux sociaux et l’historique financier sous la loupe
À d’autres occasions, les prêteurs se tournent vers les informations contenues dans les bases de données publiques, ou encore vers Facebook, Twitter et les autres, pour construire un dossier de crédit, le tout sans que l’emprunteur en ait connaissance.
« Il y a également des données alternatives que les compagnies recueillent sans votre permission », réitère Mme Jones. « Des entreprises se spécialisent dans la collecte de données provenant de sources numériques, comme votre profil sur LinkedIn ou sur Facebook, et ajoutent tout cela dans leur modèle de calcul. »
Cela peut inclure votre historique d’achats, à quel endroit et à quel moment vous avez fait une demande de prêt, le parcours scolaire, le parcours professionnel, ainsi que des informations disponibles sur les médias sociaux.
Dans un tel cas, les emprunteurs ne savent pas quels critères sont évalués et ne peuvent pas contester des informations erronées.
« Il n’y a pas de processus d’appel », indique encore Mme Jones. « Avec votre cote de crédit traditionnelle, vous pouvez aller en appel. Impossible de le faire si un prêteur n’aime pas la fréquence à laquelle vous voyagez ou achetez des vêtements. »
Mme Jones et sa coautrice s’inquiètent aussi du fait qu’une bonne partie des données recueillies par les prêteurs, à propos du style de vie, peuvent être liées à l’ethnicité, le genre, l’âge, le statut socioéconomique, le code postal, ou l’endroit où une personne est allée à l’université.
« Élargissez-vous l’accès au crédit, où êtes-vous en train de vous attaquer à des gens vulnérables? », s’est demandé Mme Jones.