L’affection pour Kooza est un sentiment fort puisque 15 ans plus tard, il demeure encore l’un des meilleurs souvenirs sous chapiteau du Cirque du Soleil. Si son charme et son énergie sont encore de la partie, on remarque après tout ce temps qu’il manque peut-être un peu de l’exaltation qui avait tant fait la force du spectacle, par le passé.
Tout en renouant avec l’essence même du cirque, Kooza était à la base synonyme de danger, alors que la majorité des numéros était hautement susceptible de faire arrêter le cœur. Ce goût du risque pour un spectacle qui essayait (c’est un peu moins le cas, maintenant) le plus possible de ne pas miser sur les matelas ou les filets malgré la difficulté des actes est encore bien présent. C’est au niveau du rythme qu’on a l’impression que le théâtre l’a davantage emporté donnant un peu trop souvent le temps au spectateur de reprendre son souffle et d’oublier plus rapidement ce qui l’a impressionné quelques minutes auparavant.
Comme toujours, la trame principale est loin d’être la force du spectacle, à l’instar des numéros de clowns dont l’omniprésence est surtout là pour satisfaire les enfants et les cœurs d’enfant avec un humour majoritairement physique qui mise beaucoup sur les mimiques, les mimes et tout ce qui est certainement plus enfantin. De fait, les numéros clownesques paraissent pratiquement plus longs que les numéros acrobatiques, nous donnant envie de retourner au cœur de l’action le plus rapidement possible. Un constat un peu décevant, en réalisant la grande habileté de la mise en scène pour les transitions entraînantes, aidées grandement par l’excellente trame sonore. Par exemple, difficile de ne pas se laisser emporter par Eden Bahar et son énergique numéro de batterie.
Ainsi, toujours par définition un peu moins forte, la première partie fait sourire, sans être la plus trépidante. Le trio de contorsion ne se démarque pas nécessairement de tous ceux vus dans tant d’autres spectacles, mais on se surprend de l’hypnotisante poésie du numéro de roue cyr. Si la force d’Haley Rose Viloria continue d’impressionner dans son numéro de sangles, c’est décidément au numéro de fil de fer que les choses commencent à devenir sérieuses. Le trio apporte certainement du tonus à tous ceux qui pourraient croire que les numéros de funambules sont démodés. Et c’est certainement là que l’on nous coupe le souffle pour la première fois du spectacle.
Au retour de l’entracte, le rythme s’accélère. La roue de la mort continue d’être un immanquable et un succès instantané pour le public, qui multiplie les fortes réactions face à ce numéro dont la vigueur et le caractère impressionnant ne sont plus à prouver. Le silence est d’or au numéro d’équilibre sur chaises, juste avant que le plaisir revienne se pointer le bout du nez lors de l’irrésistible et hautement rassembleur numéro final de planche sautoir.
Surprise! Le numéro (plutôt décevant et quelque peu rouillé) de duo unicycle présenté lors de la conférence de presse, la semaine dernière, n’était plus de la partie. Semblerait-il qu’il soit en rotation avec le numéro de roue cyr, alors que c’est néanmoins un numéro de diabolo qu’on mentionne en communiqué.
Il n’en demeure pas moins que d’ordre général, il semble toujours manquer un petit je-ne-sais-quoi. Les routines sont toujours tellement rodées au quart de tour qu’il devient difficile d’y déceler un peu de surprise ou une véritable passion (comme on semblait la retrouver plus régulièrement au Cirque du Soleil, par le passé).
Un petit sentiment de redite s’installe aussi dans les numéros, alors qu’un peu plus de variétés et moins de trucs « qui tournent » semblaient composer le spectacle. On s’ennuie du numéro de jonglerie, d’ailleurs, qui cadrait absolument bien avec le mandat de la création.
Pour le reste, amalgame de ce qui fonctionne mieux et moins bien désormais avec le Cirque du Soleil, Kooza version 2022 n’arrive pas toujours à harmoniser son désir de plaire autant aux jeunes qu’aux moins jeunes. Des passages certainement plus adressés aux adultes, comme celui de crooner avec ses airs de cabaret, tout en ayant la capacité de faire rêver les enfants avec ses magnifiques costumes, ses images fortes et ses jeux d’éclairage, disons qu’on en aurait voulu plus.
Kooza est donc l’esquisse d’un rêve. L’essence d’un spectacle jadis synonyme de perfection qui souffre aujourd’hui du jeu des comparaisons, tout comme du poids du passé. Une fantaisie qui manque ironiquement un peu de féérie, mais qui continue d’émerveiller grandement à défaut de surpasser les attentes. Une superbe sortie pour toute la famille, mais peut-être pas le souvenir indélébile qu’il a autrefois laissé en mémoire.
7/10
À noter que côté pandémie, les artistes portent le masque lorsqu’ils se promènent dans le public et que pour ceux qui se le demandent, les sièges offrent peu d’espace avec ses voisins.
On vous conseille également de favoriser les milieux de section pour éviter les poutres du chapiteau qui obstruent à l’occasion la vue pour certains moments stratégiques des numéros.
Enfin, les informations du programme souvenir réflète les membres de la troupe originale et, à quelques exceptions, non actuelle du spectacle.
Kooza est présenté sous le chapiteau situé au Vieux-Port de Montréal jusqu’au 14 août prochain. Sa tournée se poursuit ensuite à Gatineau du 25 août au 25 septembre.