Increvable, alors qu’il tourne encore à 80 ans passés, Paul Verhoeven est un monument du 7e art. Que l’on aime ou que l’on déteste son style – un style changeant, d’ailleurs, mais s’appuyant toujours sur des bases communes –, ce réalisateur qui s’est notamment fait connaître pour Total Recall, Robocop, Starship Troopers, mais aussi Showgirls (allez savoir) débarque avec Benedetta, un film mêlant mysticisme et érotisme lesbien. Rien de moins!
Au 17e siècle, la jeune Benedetta Carlini entre au couvent de la ville de Pescia pour y devenir une soeur. Tout s’y déroule relativement normalement, jusqu’à ce qu’elle passe à l’âge adulte, et qu’elle y fasse la rencontre de Bartolomea, une jeune paysanne qui a fui le domicile familial pour échapper aux sévices physiques et sexuels de son père et de ses frères.
Devant une Bartolomea rustre et ignorante des règles strictes de l’Église, Benedetta s’éveillera tranquillement non seulement à la sexualité, mais surtout à l’amour entre femmes. Une descente dans la luxure qui aura des conséquences particulièrement funestes pour bien des gens.
S’il ne s’agissait que d’une histoire de soeurs lesbiennes au temps de la Renaissance, Benedetta pourrait passer pour le projet d’un réalisateur vieillissant un peu pervers sur les bords. Après tout, les actrices jouant Benedetta et Bartolomea, Virginie Efira et Daphné Patakia sont toutes deux superbes, et on a l’impression que les deux scénaristes, David Birke et Paul Verhoeven, ne ratent aucune occasion de les dénuder.
Cela étant dit, puisqu’il s’agit justement d’un film de Verhoeven, et que Verhoeven sera toujours fidèle à lui-même, à ces amours lesbiens, il faut ajouter une bonne dose de mysticisme, alors que Benedetta dit recevoir des visions du Christ en personne. Lesdites visions la placera bientôt en porte-à-faux avec la mère supérieure du couvent, magistralement interprétée par Charlotte Rampling, qui cherchera à manoeuvrer pour éviter que la jeune soeur ne soit prise au sérieux.
Comme si tout cela ne suffisait pas, le film saupoudre aussi un grand nombre de scènes particulièrement violentes et délirantes. On n’a qu’à penser à ces supposées stigmates que Benedetta voit apparaître sur ses mains et ses pieds. S’est-elle infligé des blessures? Est-elle véritablement la messagère de Dieu? Dans un contexte de peste, en Italie, ce qui vient décupler les peurs et les réflexes consistant à se tourner vers la religion pour y trouver des réponses et des solutions, on finit par ne plus savoir à qui se fier. Ou, plutôt, tout le monde semble possédé d’une ferveur catholique qui pourrait tout à fait passer pour de la possession par le diable…
Terriblement violent, érotique parfois jusqu’à l’excès, avec des interprétations hors du commun (y compris celle de Lambert Wilson, qui vient voler la vedette en quelques minutes seulement), Benedetta n’est pas un film grand public. Il s’agit plutôt d’une oeuvre franchement audacieuse, frôlant l’exploitation, qui conviendra davantage à des cinéphiles avertis. Mais une fois les lumières éteintes et le long-métrage lancé, l’aventure est spectaculaire. À l’image de son réalisateur.