Une autre année, un autre classement mondial de la liberté de la presse; et à l’instar de nombreuses années précédentes, le rapport publié par Reporters sans frontières (RSF) fait état de la poursuite du recul de cette liberté, un phénomène observable depuis plusieurs années. Même le Canada n’y échappe pas, l’attitude et les gestes des participants à l’occupation d’Ottawa, en début d’année, venant plomber les résultats.
De la 14e à la 19e place: c’est de cette façon que se positionne le Canada dans le cadre de l’édition 2022 du traditionnel palmarès de RSF. Selon l’organisation, ce recul s’explique largement par deux facteurs: d’abord, la violence verbale et physique, ainsi que l’intimidation subies par les représentants des médias lors de la couverture de l’occupation illégale d’Ottawa, en début d’année. Ensuite, Reporters sans frontières juge que le gouvernement canadien doit encore améliorer l’accès des journalistes aux emplacements où des membres des Premières Nations manifestent contre la construction d’oléoducs et de pipelines.
Au dire de l’organisme, plusieurs cas d’arrestation de journalistes ont été recensés, cette année et au cours des années précédentes, dans un tel contexte, ce qui nuit à la liberté d’informer sur ce qui se déroule dans ces épineux dossiers.
Nos voisins du Sud, les États-Unis, sont toujours classés quelque peu in extremis parmi les 50 pays au monde où la liberté de la presse est la plus importante, avec un gain de deux places, en 42e position. RSF dénonce cependant toujours le pouvoir disproportionné des médias sociaux, notamment en ce qui concerne la capacité de faire circuler de fausses informations, l’absence de transparence pour justement lutter contre les fausses nouvelles et les discours haineux, ainsi que la concentration du pouvoir de ces plateformes extrêmement puissantes entre les mains d’un tout petit nombre d’individus.
L’intention du milliardaire Elon Musk de racheter la plateforme Twitter fait d’ailleurs retentir des signaux d’alarme chez RSF.
De fait dans l’ensemble des Amériques, seul le Costa Rica, maintenant classé en huitième position, est considéré comme un pays où la situation de la liberté de presse est « bonne ». Après le Canada, c’est l’Argentine qui se positionne elle aussi comme une nation où la situation est « plutôt bonne », avec sa 29e place. Suit la République dominicaine, puis la Guyane, et enfin les États-Unis. Sur le reste du continent, la situation est « problématique », « difficile », ou encore « très grave », comme à Cuba, où règne encore la dictature communiste, ainsi qu’au Venezuela, où le régime Maduro fait largement la pluie et le beau temps.
À l’échelle mondiale, en fait, à peine huit nations (Norvège, Danemark, Suède, Estonie et Finlande en tête) sont considérées comme ayant une « bonne situation ». Fait à noter, tous les pays du G7 sont dans une situation « plutôt bonne », sauf l’Italie, où la situation est « problématique », avec une dégringolade de 17 places depuis le classement de 2021.
Au dire de RSF, un nombre record de pays se trouvent dans une « situation très grave », soit la catégorie la plus inquiétante, avec 12 nations qui font leur entrée dans cette section peu enviable.
Toujours selon le rapport de l’organisation, dans les sociétés démocratiques, le développement de médias d’opinion sur le modèle de Fox News et la banalisation des circuits de désinformation, amplifiée par le fonctionnement des réseaux sociaux, provoquent un accroissement des clivages. Sur le plan international, l’asymétrie entre, d’une part, les sociétés ouvertes et, d’autre part, les régimes despotiques qui contrôlent leurs médias et leurs plateformes tout en menant des guerres de propagande, affaiblit les démocraties ».