Pour les amateurs de la formation australienne King Gizzard and the Lizard Wizard (KGLW), la sortie d’un nouvel album a toujours des allures d’événement. Peu importe si le groupe de rock psychédélique / thrash metal / disco turc / rap lance généralement plusieurs disques par année, les passionnés sont au rendez-vous, y compris en échafaudant des théories parfois complètement folles. De fait, dire qu’Omnium Gatherum, plus récente proposition du groupe, était attendue tient de l’euphémisme. Mais le disque réussira-t-il à combler les mélomanes?
D’abord, il y a The Dripping Tap. Première pièce du disque, premier extrait lancé en prévision de la parution de l’album, cette chanson est un monstre. De fait, est-ce vraiment une chanson? On dirait plutôt une histoire, une saga, voire un cap, un pic, une péninsule… Dix-huit minutes et 17 secondes au compteur, s’il vous plaît. Comme une foutue tonne de briques qui nous tombe sur la tête. Comme une cargaison complète de gros rock sale que l’on nous injecte directement dans la carotide.
Oh, elle commence doucement, cette Dripping Tap… Pendant environ une minute. Et ensuite, comme dirait un bon ami de ce journaliste, ça part. Et ça n’arrête pas. Du bon gros rock bien tassé, avec des notes qui se superposent, qui s’entrechoquent, de la batterie jouée à toute vitesse, des riffs qui résonnent pendant presque une vingtaine de minutes. Et chaque fois que l’on se dit que les choses vont se calmer, les gars de KGLW en rajoutent plutôt une couche, en accélérant un peu le tempo.
De fait, là où plusieurs groupes utiliseraient pratiquement cette seule Dripping Tap pour en faire un album complet, le band propose le tout comme « simple » chanson d’ouverture. Il n’y a rien de simple là-dedans, bien entendu, mais le fait est que là où la plupart des gens considéreraient The Dripping Tap comme point d’orgue de l’album, ici, le titre sert de mise en bouche, en quelque sorte.
Cette décision, si elle a l’avantage de faire plonger directement les mélomanes dans un monde fantastique peuplé d’alligators et de rythmes endiablés, représente aussi un problème: comment poursuivre un disque après cette folle cavalcade? C’est un peu comme si l’ouverture de l’opéra Guillaume Tell débutait avec la fameuse charge de la cavalerie, plutôt qu’avec les douces mélodies de la partition originale.
Et comme cette étrange inversion, les gars de KGLW se retrouvent un peu le bec à l’eau. Du moins, en partie. Car après The Dripping Tap, après ces 18 minutes de rock bien tassées, quelle est la piste suivante? Magenta Mountain, un titre tout à fait respectable, mais bien plus représentatif des années post-Nonagon Infinity. En fait, cette Magenta Mountain, à l’instar de plusieurs autres titres d’Omnium Gatherum, donnent l’impression d’être des « restants » d’autres albums, ou encore des pièces qui n’ont pas trouvé leur place sur de précédents disques.
Ainsi, Magenta Mountain, Kepler-22b, Ambergris et bien d’autres semblent provenir directement des albums K.G., L.W., ou encore Butterfly 3000, tous sortis ces dernières années.
Quant à l’excellente Gaia, qui aurait parfois été jouée en concert depuis quelques temps, sans faire son apparition sur un disque avant le présent album, il est clair qu’elle évoque le thrash metal déjanté d’Infest the Rat’s Nest. Idem pour Predator X, une autre pièce du nouvel album.
À travers tout cela, on nous offre aussi d’étonnants mélanges de genres, notamment du côté de la pièce Evilest Man, ou encore Presumptuous et Candles – ces deux dernières réprésentant un détour du côté de la… bossa-nova? Et que dire de Sadie Sorceress et du Grim Reaper, deux chansons rap?
Il ne fait aucun doute que King Gizzard and the Lizard Wizard continue son exploration musicale. On aurait peut-être souhaité, à l’instar de Radiohead, que le groupe retrouve ses racines rock, retourne aux sources, en bref. Mais on ne peut pas, non plus, éviter de souligner que KGLW est probablement l’un des groupes les plus diversifiés, à l’heure actuelle. Et que cette exploration vaut la peine d’être vécue et entendue.
Et donc, Omnium Gatherum, bon album, ou pas? Album bigarré, certainement. Album avec d’excellents titres, aussi. Mais album, en un sens, qui donne un peu l’impression, sans trop gâcher le plaisir, que les gars d’Australie avaient certaines chansons qui traînaient ici et là, et qu’il ne fallait pas trop faire attendre les fans, en quête d’un nouveau disque.