LecturesB, collaboration spéciale
Même si le recueil poétique n’est pas un genre très populaire dans les librairies, il est propice à la créativité et à l’originalité. La compilation de poèmes rédigés par l’artiste humaniste canadien Bernard Anton a été publiée en l’an 2021, aux Éditions L’Harmattan. Ce livre atypique apparaît dans la section des « Impliqués Éditeurs », afin de proposer des textes nouveaux. On y retrouve notamment une quantité de textes recentrés sur la perception du monde et la poésie. Cela tombe bien, puisque Célébrades répond exactement à ces sujets atemporels…
De prime abord, la couverture se présente sous une forme basique, mais très efficace, permettant de cerner aussitôt « l’esprit » dans lequel le lecteur va être plongé. Il s’agit d’une couverture claire, sur laquelle l’artiste graphiste a apposé un idéogramme japonais. Comme dans d’autres graphies originaires de l’Asie, les calligrammes incarnent une idée, une sensation, un concept. C’est cette approche très axée sur les sens et l’image qui plaît en Occident… Avant même de parcourir l’ouvrage, le lecteur est déjà emporté par une brise qui lui est à la fois étrangère et familière. Cette œuvre poétique s’étale sur 75 pages. Tout d’abord, le livre présente la bibliographie impressionnante de l’auteur. En réalité, Bernard Anton incarne de nombreux talents. Parmi ses sujets les plus abordés et développés dans ses écrits, il n’est pas rare d’y trouver des travaux dédiés aux questionnements autour des sentiments, de l’esthétique, mais aussi de ces « petites choses » de la vie quotidienne…
De plus, Bernard Anton comprend bien exploiter ses productions, afin de dénoncer les excès de l’humanité ainsi qu’un message écologiste engagé. Pour mieux faire entendre sa voix, il choisit le haïku. Le haïku est connu dans le monde entier et a déjà dépassé les frontières nippones depuis longtemps. Il s’agit d’un court poème japonais composé de 3 vers, c’est donc d’un travail artistique à l’apparence simple, mais extrêmement subtile, à la manière d’un plat gastronomique. Les accords sont fins, et le résultat reste au bout de la langue!
Les Célébrades de Bernard Anton papillonnent. Si on reconnait bien le cheval de guerre principal de l’écrivain, qui est résolument l’écologie – il a décidé d’ouvrir son recueil avec des poèmes qui mettent en scène Brigitte Bardot. Il existe de nombreuses raisons qui justifient la postérité et surtout la célébrité de cette femme, qui a longuement été la muse de plusieurs hommes. Mais plutôt que d’être ici assimilée à ses amours, elle est également célébrée en tant qu’individu : une figure protectrice quasi maternelle, à la manière d’une déesse de la nature, qui défendrait les animaux de la cruauté, si caractéristique des humains.
Ce recueil est parfaitement divisé en plusieurs catégories, qui se dédient chacune à une thématique principale. Ainsi, le lecteur découvre les Hivernades, les Amourades, les Naturades… Pour chaque partie, l’écrivain s’est inspiré de son quotidien. Lui qui vit au Québec s’est véritablement pris de passion pour des scènes ordinaires, dans lesquelles il va puiser l’étincelle qui les rend pourtant si magiques.
Le recueil poétique de Bernard Anton affiche un message engagé, sans pour autant sombrer dans l’écueil de la facilité. En réalité, c’est un voyage que propose le poète, oscillant entre des envolées lyriques très poussées, au lexique enchanteur – tout en arborant des situations tristement banales. De plus, la crise sanitaire a considérablement marqué la plume de Bernard Anton. Puisqu’il semble déterminé à ne pas tomber dans le pessimisme partagé par ma majorité de sa génération au sujet des nouvelles technologies, l’écrivain préfère ici parler de ce qu’il aime – de ce qui l’anime, plutôt que de s’avancer dans un projet globalement nihiliste et « no future ».
Ainsi, les Célébrades de Bernard Anton s’achèvent par un genre de tour du monde, où tous les sujets de prédilection sont mis à l’honneur. Le lecteur savoure, profite de paysages décrits avec si peu de mots, mais avec une résonance fine et efficace, si typique du haïku. Le recueil de poèmes très libéré de Bernard Anton est un livre pensé pour les amateurs et amatrices de poésie, qui souhaitent la déguster sous une forme authentique et spontanée, sans effets de style alambiqués. Comme la poésie est relativement courte et brève, il serait bon de conseiller une lecture par « à-coups », lors d’un déplacement en train par exemple. Dépaysement assuré et réflexions intelligentes, le pari est réussi et remporté haut la main, pour cet artiste engagé et sensible.