Qui se souvient de Guylaine Guy? Si elle a marqué une partie de l’histoire culturelle du Québec, celle qui a autrefois servi de muse à Charles Trenet et est devenue un temps la protégée de Louis Armstrong est aujourd’hui une note en bas de page, dans la plupart des cas, ses disques oubliés. Heureusement, Catherine Genest a été en mesure de préserver sa mémoire sous la forme de La princesse du rythme, publié chez Boréal.
Les biographies se suivent, mais ne se ressemblent pas toujours. Plutôt que de raconter la vie de Mme Guy (de son vrai nom Guylaine Chailler) d’une façon plus impersonnelle, en adoptant un point de vue narratif omniscient et distant, à l’instar de quantité d’autres récits biographiques, Mme Genest a ici choisi la première personne, en se glissant directement dans la peau de celle qui fut tour à tour chanteuse, peintre, puis sculptrice.
Raison de plus, certainement, pour non seulement s’intéresser à la vie haute en couleur de l’artiste, mais aussi d’y donner toute la personnalité possible.
La vie de Mme Guy est d’ailleurs à la fois franchement intéressante et quelque peu triste. Dotée d’une voix magnifique, la chanteuse s’inscrira dans la foulée du succès de sa soeur aînée, elle aussi présente dans le milieu de la musique. Mais pour trouver sa place, Guylaine devra s’affranchir du cadre familial strict; cela voudra cependant dire jouer dans des cabarets miteux, des endroits louches, et risquer de sombrer dans la prostitution. Heureusement, Mme Guy saura généralement se tirer d’affaire, notamment en raison de percées inattendues, y compris en France et aux États-Unis.
Artiste québécoise internationale un peu avant le temps, Guylaine Guy mènera une étrange vie mêlant célébrité et périodes d’oubli. Toujours légèrement en avance ou en retard sur la tendance musicale du moment, dirait-on, la vie de la chanteuse se déroulera en partie sous les projecteurs, en partie dans l’ombre.
Ce récit, Catherine Genest le livre avec une prose superbe, à la fois bien rythmée et enrichie d’un vocabulaire fort agréablement développé. Impossible de ne pas vivre les mêmes émotions que la chanteuse, de ne pas partager ses joies et ses peines, de ressentir ses espoirs, son ennui, puis sa résignation.
La princesse du rythme est une porte ouverte sur l’existence d’une artiste que le temps a englouti. Une parmi tant d’autres, dans ce vaste groupe de gens qui ont connu le succès, oui, mais seulement pendant un temps.
La princesse du rythme, de Catherine Genest, publié chez Boréal, 305 pages