Qu’est-ce que l’érotisme? La question est vaste, d’autant plus que la vision de la chose a autant de déclinaisons qu’il existe de personnes sur notre planète. Dans Les Érotisseries: essais érotiques consensuels, les créateurs cherchent non seulement à proposer une piste de réponse, mais aussi – et surtout – à explorer cette dimension de l’existence qui fait de nous des êtres entièrement humains. Entrevue.
« Une performance multidisciplinaire de chair et d’os », indique le communiqué de presse… « mélangeant feu, fouet, pôle dancing et sangle aérienne, pour ne nommer qu’eux, explore l’érotisme à l’aide de multiples tableaux doux, sauvage, grinçant, tendre, aimant, hurlant, brûlant et fragile à la fois ». Une proposition intrigante, certes, mais aussi légèrement vague.
« Dans une autre entrevue, la journaliste parlait d’un OVNI pour décrire ce spectacle-là… Je pense que ce terme est bien choisi », mentionne d’emblée Eliane Bonin, l’une des interprètes de l’oeuvre. « Nous-mêmes, si on crée de façon différente, c’est parce que nous avons besoin d’aborder la scène, les arts vivants et le rapport au public d’une façon souveraine. Nous ne suivons pas vraiment de modèle préconçu. Peut-être qu’en 2005 (date de la première édition du spectacle, NDLR), cela se rapprochait un peu plus de la formule cabaret, mais je pense qu’il y a des éléments de plusieurs arts vivants qui viennent se recouper; il y a des fois des formules qui ont l’air d’un numéro, mais où nous n’utilisons pas le matériel; des tableaux où nous sommes davantage dans le ressenti… Il peut aussi y avoir un aspect performatif (…), avec du crémage, je dirais, parce qu’il faut quand même exciter l’oeil, parce que l’oeil fait partie de l’éros… », ajoute-t-elle.
« Ce spectacle est vraiment une expérience assez unique pour nous. »
De son côté, Catherine Desjardins-Béland, elle aussi membre de la distribution du spectacle, indique qu’au coeur de l’oeuvre, on retrouve notamment la notion de contraste. « C’est un peu notre signature qui est revenue dans toutes les éditions, avec les oppositions d’énergies. Je pense que cela rythme vraiment notre proposition. »
Existe-t-il des constantes dans l’érotisme, et par association, dans Les Érotisseries? Ou s’agit-il plutôt de renouveler la proposition culturelle et humaine présentée au public? « Pour moi, j’ai l’impression que (l’érotisme) est un sujet sans fond », soutient Mme Desjardins-Béland.
« J’ai personnellement participé à trois versions du spectacle, et je n’ai vraiment pas fait le tour de la question; pour moi, ce n’est vraiment pas difficile de faire des propositions différentes d’une version à l’autre. Pour moi, l’érotisme est une énergie de vie, c’est l’incarnation physique. On peut parler d’érotisme en parlant à peu près de n’importe quoi », mentionne-t-elle lors de l’entrevue.
« La constance, c’est que nous sommes des mammifères humains jouant pour d’autres mammifères humains », renchérit Mme Bonin. « Nous sommes faits en viande, nous allons mourir, nous avons des désirs et des envies. Et cela va des envies de manger à avoir envie de faire l’amour avec n’importe qui. »
« J’ai l’impression qu’en 2022, il y a des barrages qui ne cèdent pas, encore. J’ai l’impression qu’il faut que cela casse, et que cela trouble un peu, pour retrouver une nature. »
Un public présent… ou participatif
L’éros, c’est aussi la communion. Communion des esprits, certes, mais souvent aussi communion des corps. Et même si l’érotisme peut se vivre seul – et s’est souvent vécu seul, notamment depuis l’éclatement de la crise, forçant les interprètes à préparer des numéros en solo –, le public des Érotisseries aura l’occasion, s’il le souhaite, de participer à certains numéros du spectacle.
« La majorité du temps, il y a un quatrième mur qui existe, quand même », mentionne Mme Bonin. « Mais les fois que nous ouvrons ce quatrième mur, et qu’il y a des volontaires qui viendront sur scène… D’ailleurs, tout est consensuel, et il y aura déjà une disposition du public en fonction de son intérêt, qu’il soit voyeur ou participant. Il y a trois tableaux où la scène sera ouverte au public. Et ce n’est pas parce que nous, nous trouvons que la nudité est naturelle que nous nous attendons à ce que ce le soit pour les autres. »
Le public pourra donc fermer les yeux, voire même quitter temporairement la salle, si besoin est. « Nous ne voulons pas faire comme si, en 2022, tout le monde devrait être à l’aise avec la nudité », poursuit Mme Bonin.
« Nous indiquons clairement qu’il est possible de prendre une pause… Nous valorisons vraiment le fait que le public puisse ressentir une limite et éviter les inconforts. Mais nous ne cherchons pas non plus à pousser les gens vers ces limites. Pour nous, certains tabous n’existent pas, ou qui existent, mais que nous voulons explorer. Nous n’allons cependant pas chercher dans les blessures, dans l’agression, dans tout ce qui provoque de la peine. »
Les Érotisseries: essais érotiques consensuels, avec Catherine Desjardins-Béland, Éliane Bonin, Marie-Christine Simoneau et artistes invité(e)s; à l’Espace libre du 3 au 21 mai