Les poursuites engagées depuis 10 ans contre des gouvernements et des compagnies pétrolières pour leur négligence dans les politiques climatiques ont fait leur chemin jusque dans un des chapitres du 3e volume du rapport du GIEC, volume consacré aux pistes de solution.
Le rapport note que depuis 2015, une quarantaine de ces poursuites ont été initiées dans le monde et ont abouti à des jugements qui ont le potentiel « d’affecter la sévérité et l’ambition de la gouvernance climatique ». En d’autres termes, de telles poursuites peuvent conduire à accroître les ambitions d’un pays dans la lutte aux changements climatiques.
D’ordinaire, ces poursuites reprochent à un gouvernement son inaction face au climat ou bien, dans certains cas, le fait que ce gouvernement n’ait pas respecté ses propres obligations en matière de réduction des gaz à effet de serre (GES). En fait, il y a beaucoup plus que 40 poursuites qui ont été lancées depuis une décennie, mais la majorité n’ont pas atteint le stade du procès proprement dit — en termes juridiques, il est dit que le juge a refusé d’entendre la cause. La première à avoir débouché sur un jugement a été aux Pays-Bas: après une bataille de près de sept ans, les citoyens ont eu raison en décembre 2019 du gouvernement, condamné à devoir réduire ses émissions de GES au niveau où il s’était préalablement engagé à le faire. Le même groupe a également eu gain de cause en mai 2021 contre la compagnie néerlandaise Shell, pour sa responsabilité dans ces émissions accrues de GES.
Les fonds de pension aussi visés
D’autres types de poursuites ont également été engagées contre des banques ou des fonds de pension, pour les pousser à abandonner leurs investissements dans les carburants fossiles, ou pour avoir failli à leur obligation d’inscrire le « risque climatique » dans leurs décisions —autrement dit, le risque que les dégâts causés par les changements climatiques fassent baisser la valeur de l’investissement.
« Ces poursuites ont aussi un impact sur le marché financier. Sans qu’elles n’impliquent directement et spécifiquement les institutions financières, ces poursuites changent leur perception du risque et leurs attitudes face aux activités à haute valeur en carbone », lit-on dans le chapitre en question du troisième volume.
Les rapports du GIEC ne font pas de recommandations aux gouvernements : ils font une revue de la littérature scientifique sur les multiples sujets couverts dans leurs milliers de pages. Or, comme le troisième volume porte sur les « mesures d’atténuation » (en anglais, mitigation), en d’autres termes les scénarios par lesquels la courbe de croissance des gaz à effet de serre pourrait être infléchie, le fait que cette forme de pression juridique sur les gouvernants se soit méritée une section distincte à l’intérieur d’un chapitre, témoigne de l’existence d’une littérature scientifique de plus en plus abondante qui, depuis 10 ans, a tenté d’évaluer quel impact ce type de pression pourrait avoir.
C’est, incidemment, un des exemples où des recherches en sciences sociales se sont glissées parmi les références: un fait d’ailleurs suffisamment rare pour avoir été signalé lors de la publication du troisième volume. La mention, pour la première fois dans un rapport du GIEC, de l’impact négatif de la désinformation, provient elle aussi d’un corpus de recherches en sciences sociales.
Cela apporte une justification « à la fréquence de ces causes » commente la responsable du dossier « poursuites climatiques » à l’Union of Concerned Scientists, un organisme américain connu depuis des décennies pour ses prises de position en science et en politique.