En mars 2018, une étude du MIT concluait que, sur Twitter, les fausses nouvelles se diffusent beaucoup plus vite que les vraies. Le mois dernier, un reportage citait deux chercheurs qui auraient réfuté l’étude de 2018. Mais c’était une fausse info : ces chercheurs avaient au contraire confirmé les résultats. Le Détecteur de rumeurs démêle tout ça.
Les fausses nouvelles se diffusent « plus loin, plus vite, plus en profondeur et plus largement » que les vraies, écrivaient en mars 2018 l’informaticien Sorouth Vosoughi et ses collègues du MIT dans une recherche publiée dans la revue américaine Science. Par rapport aux études des années précédentes sur la diffusion des fausses nouvelles, celle-ci se démarquait par son ampleur: avaient été analysées 126 000 fausses informations ayant circulé sur Twitter entre 2006 et 2017, diffusées par 3 millions de personnes plus de 4,5 millions de fois.
L’étude était elle-même devenue virale, ayant été citée dans plus de 500 reportages. Il aurait donc été ironique d’apprendre que cette recherche aurait été elle-même une fausse info qui aurait voyagé plus vite que les vraies. Car c’est là le point de départ de la controverse des dernières semaines: d’aucuns ont prétendu que deux chercheurs auraient réfuté les résultats de 2018, dans une nouvelle étude parue en novembre 2021 et passée largement inaperçue.
Or, il n’en est rien. Interrogés sur un reportage paru le 23 mars et qui les citait sur ce sujet, ces deux chercheurs, Jonas Juul, de l’Université Cornell et Johan Ugander, de l’Université Stanford, ont nié avoir réfuté l’étude de 2018. En fait, l’auteur du reportage du 23 mars lui-même a publié une correction le jour suivant et son reportage, consacré à l’importance d’étudier la désinformation, a été amendé en conséquence.
Il n’est pas le seul à être embarrassé. Dans un article publié le 26 mars dans le magazine The Atlantic, le journaliste Daniel Engber faisait lui aussi son mea culpa, pour avoir twitté erronément, dans la journée du 24 mars, que la recherche de 2018 aurait été réfutée.
Dans les faits, ce que les chercheurs Juul et Ugander ont publié en novembre, c’est une confirmation de l’étude de 2018 : les fausses nouvelles se propagent bel et bien plus vite que les vraies.
Là où ils divergent, c’est sur une question de sémantique. « Plus loin, plus vite, plus en profondeur et plus largement » sont, proposent-ils, quatre facettes d’une même réalité. Une fausse nouvelle serait plus « contagieuse » (infectious) qu’une vraie nouvelle et, pour cette raison, serait susceptible de rejoindre plus de personnes avec chaque nouvelle personne « contaminée ». Mais le résultat final est le même : une fausse nouvelle peut rejoindre plus de gens qu’une vraie nouvelle.
En attendant, il y a une limite à l’étude de 2018 qu’il faut rappeler, et que ses auteurs eux-mêmes avaient souligné à l’époque: leur échantillon de 126 000 fausses nouvelles était basé sur le travail de six médias de vérification des faits, dont Snopes et PolitiFact, parce qu’il fallait aux chercheurs un critère standard pour discriminer, parmi leurs millions de tweets, lesquels référaient à une fausse nouvelle. Or, les fausses nouvelles déboulonnées par ces médias ne représentent elles-mêmes qu’une petite partie des fausses nouvelles qui circulent: rappelons qu’au début de la pandémie, en février 2020, l’Organisation mondiale de la santé avait lancé une alerte à une « infodémie », ou épidémie de fausses nouvelles. Serait-il possible que cet échantillon soit différent du « reste » des fausses nouvelles? D’autres études le diront peut-être…