Depuis des années, on prédit l’imminence du « pic pétrolier ». Dans le dernier rapport du GIEC, on évoque la cible de 2025. Ce que le rapport du GIEC ne pouvait pas prévoir, et qui pourrait accélérer les choses, c’est la guerre en Ukraine. Et si les choses devaient s’accélèrer, tout nouveau projet d’exploitation pétrolière serait voué à l’échec.
Personne ne peut prédire à quelle vitesse l’Europe, et en particulier l’Allemagne, réussiront à se dégager de leur dépendance aux carburants fossiles russes. Mais sur ce continent comme sur les autres, tous ceux qui parlaient de transition vers des énergies vertes ont à présent de bons arguments pour accélérer cette transition.
Mais de quel type d’accélération parle-t-on? Le site Carbon Tracker, qui propose différents outils pour suivre les promesses de réduction du carbone, publiait récemment une série de calculs à ce sujet. Tout d’abord, si on suppose une croissance des besoins en énergie de 1% par année, et une croissance du solaire et de l’éolien de 15% par année, alors le pic pétrolier est d’ores et déjà atteint, et la production pétrolière va commencer progressivement à diminuer.
Et cette première estimation ne provient pas d’un groupe écologique, mais de la pétrolière BP, dans son rapport annuel Statistical Review of World Energy, édition 2021.
Sauf que c’était une prévision pré-Ukraine. Le stratège en énergie de Carbon Tracker, Kingsmill Bond, y ajoute donc ses propres spéculations: en supposant que ce choc pétrolier provoque une augmentation de l’efficacité énergétique de seulement 1%, et en supposant que l’augmentation solaire-éolien passe de 15 à 20% par année, la demande en carburants fossiles diminuera de 25% d’ici 2030 et s’effondrera dans la décennie suivante.
« En tant que plus grand exportateur de carburants fossiles, la Russie est assise sur la ligne de faille de cette transition. »
Déjà, l’Europe a montré une volonté de réduire sa consommation de carburants fossiles russes dès cette année, et d’accélérer sa transition vers les énergies vertes. L’Agence internationale de l’énergie a publié le mois dernier une série de 10 recommandations allant de la réduction de la limite de vitesse sur les autoroutes jusqu’au télétravail, qui permettraient d’ores et déjà de réaliser des économies substantielles.
Si ces calculs tiennent, tout nouveau projet d’exploitation pétrolière, comme le projet Bay du Nord au large de Terre-Neuve, annoncé la semaine dernière, court donc le risque d’arriver trop tard: considérant les années qui vont s’écouler avant d’avoir mis les infrastructures en place, avant d’avoir effectué les forages et avant d’avoir extrait les premiers litres de pétrole, le monde de l’énergie pourrait alors se révéler très différent de celui d’aujourd’hui.