Un passage post-pandémie permanent à un modèle de travail hybride, entre le télétravail et le travail de bureau, pourrait n’être que peu efficace pour réduire les émissions polluantes, puisque la majorité des employés travaillant de la maison se déplacent davantage, chaque semaine, que leurs collègues, révèle une nouvelle étude de l’Université du Sussex.
Ces travaux indiquent qu’avant la pandémie, la plupart des employés britanniques installés à la maison se déplaçaient davantage, chaque semaine, que leurs collègues au bureau, même s’ils effectuaient moins de trajets. Cela était partiellement dû au fait que ces personnes travaillant à la maison avaient tendance à vivre plus loin de leur bureau que les autres, et devaient donc effectuer des trajets plus longs, même s’ils étaient plus rares.
De plus, les travailleurs installés à domicile ont effectué davantage de déplacements lors des jours où ils travaillaient justement de la maison, par exemple en se rendant dans des commerces ou des cafés.
Les chercheurs ont aussi constaté que les déplacements totaux étaient plus importants dans les foyers où au moins l’un des membres travaillaient à distance, ce qui porte à croire que la présence de tels travailleurs encourage par ailleurs la multiplication des sorties effectués par les colocataires et les membres de la famille.
L’étude, publiée dans Transportation Research Part A, indique que dans les 15 ans précédant la pandémie, la tendance croissante à travailler de la maison avait eu un impact négligeable sur les émissions polluantes liées aux déplacements. Si les personnes travaillant régulièrement à domicile se déplaçaient un peu moins que leurs collègues, ceux qui avaient un horaire de télétravail irrégulier se déplaçaient bien davantage.
Pour Steven Sorrell, professeur spécialisé en matière de politiques énergétiques, « notre étude démontre que le fait de travailler à distance peut avoir des conséquences inattendues qui viennent annuler les économies potentielles en matière de transport. Et si vous travaillez de chez vous durant la journée, vous pourriez décider d’effectuer des déplacements supplémentaires, peut-être pour aller faire des courses, ou simplement pour sortir de la maison. Nous devons tenir compte de ces possibilités lorsque nous estimons la contribution du télétravail pour atteindre les cibles en matière d’émissions polluantes ».
Les travaux ont tenu compte de données du English National Travel Survey pour estimer l’impact du télétravail sur les tendances des foyers anglais en matière de déplacements entre 2005 et 2019, analysant quelque 3,6 millions de déplacements effectués par environ 269 000 individus.
Les chercheurs ont ainsi comparé les déplacements de travailleurs à distance avec ceux effectués par des gens travaillant dans un bureau, en tenant compte de facteurs socioéconomiques, démographiques et régionaux.
Vivre plus loin, conduire plus longtemps
En s’appuyant sur ces indications, il a été établi que les gens qui travaillaient de la maison trois jours ou plus par semaine vivaient en moyenne 5 km plus loin du bureau que les employés sur place, tandis que ceux qui se retrouvaient en télétravail une fois ou deux seulement résidaient à une distance supplémentaire de plus de 8 km, en moyenne.
Ces derniers ont effectués 15 % de trajets en moins vers le bureau, mais se sont déplacés sur une distance 11 % supérieure, soit environ 10 km de plus, chaque semaine, comparativement à leurs collègues qui se rendaient tous les jours au travail. Quant à ceux qui passent la majorité de leur temps à travailler de chez eux, ils ont effectué 25 % moins de trajets et se déplaçaient sur une distance de 20 % inférieure (environ 20 km en moins). Cependant, puisque le premier groupe est environ quatre fois plus important que le second, la majorité des télétravailleurs se sont déplacés plus loin, chaque semaine, que leurs collègues au bureau, pendant la période étudiée.
Au dire du principal auteur de l’étude, Bernardo Caldarola, lui aussi de l’Université du Sussex, « les résultats observés ne sont pas inévitables. Les politiques publiques peuvent encourager des tendances plus durables en matière de construction résidentielle, ce qui peut, à son tour, permettre au télétravail de contribuer davantage à la réduction des émissions polluantes. Cependant, cela ne se produira pas par lui-même; cela doit être activement encouragé ».