Qui de mieux, pour s’intéresser à la question des introvertis, qu’Olivier Niquet? Le coanimateur de La soirée est encore jeune, grand silencieux devant l’Éternel – de moins en moins, cependant –, publiait mardi Les rois du silence – Ce qu’on peut apprendre des introvertis pour être un peu moins débiles et (peut-être) sauver le monde aux Éditions de Ta mère.
Vaste programme, certes, consistant ici à combiner deux objectifs aussi importants que sont le fait de s’instruire et de sauver le monde, mais celui qui a de plus en plus développé son côté « grande gueule » au cours des ans – et encore, généralement dans le cadre de segments bien préparés –, semble vouloir relever le défi avec enthousiasme.
Comme il l’explique lui-même, que ce soit avec des anecdotes personnelles, des études ou des gags à l’appui, les introvertis ne sont pas des gens qui ont nécessairement de la difficulté à s’exprimer, mais plutôt qui peuvent avoir besoin de plus de temps pour se former une opinion à propos d’un sujet en particulier… Ou encore, qui éprouvent de la difficulté à meubler un silence, bête noire des extrovertis et des « jaseux », mais une situation qui peut tout à fait convenir à ceux qui n’ont pas nécessairement toujours besoin de combler un vide conversationnel.
L’approche adoptée par M. Niquet est franchement intéressante: bien entendu, et il le dira lui-même, l’auteur n’est pas objectif dans sa démarche. Cela étant dit, il parvient à nous présenter les introvertis d’abord comme une série de personnes hétérogènes, plutôt que sous la forme d’un bloc compact formé d’individus tous similaires. Ensuite, l’exercice est aussi l’occasion de s’interroger sur les normes de notre société en matière d’entregent, de charisme, de volonté de plaire et d’impressionner. Avons-nous offert trop de place à ceux qui foncent sans nécessairement penser aux conséquences? Va-t-on seulement vouloir embaucher quelqu’un qui ne sera pas outgoing, ou qui ne cherchera pas à développer un vaste réseau de contacts? A-t-on placé la performance verbale au-dessus de l’efficacité et de la réflexion dans la liste des priorités?
Pour étayer ses propos, Olivier Niquet s’intéresse notamment aux milieux de la politique et des médias, deux mondes interconnectés où la clip ou la phrase assassine sont souvent plus importantes que les longues tirades et les argumentaires étayés. Si la profondeur intellectuelle de l’industrie de l’opinion (et de celle de la politique) ne sont pas ici l’objet principal de l’essai, force est d’admettre qu’avoir quelques introvertis comme chroniqueurs ou décideurs pourrait possiblement contribuer à favoriser un discours plus apaisé. Quoique l’un ne soit pas nécessairement le corollaire de l’autre…
Non, au-delà des pistes de réflexion amenées en grand nombre par M. Niquet, il est dommage que l’auteur se rabatte si souvent sur les gags et les clins d’oeil. Bien entendu, il s’agit d’une méthode qui fonctionne très bien, notamment à La soirée est encore jeune, justement, mais nous ne sommes pas ici dans une édition de cette émission diffusée sur les ondes radio-canadiennes. À l’instar de Last Week Tonight, qui force aussi sur les blagues, Olivier Niquet abuse un peu des gags pour transmettre ses idées, alors que cela n’est franchement pas nécessaire.
Il n’y a rien, dans tout cela, qui gâche le plaisir de la lecture, mais le lecteur aurait peut-être apprécié un texte plus fouillé, un essai plus long, histoire de mieux suivre, encore une fois, la structure argumentaire de l’auteur. Peut-être pour un éventuel deuxième tome?
Les rois du silence, d’Olivier Niquet; publié aux Éditions de Ta mère, 133 pages