Pour tous ceux qui dépendent des données solides, la COVID a au moins eu quelque chose de positif: une explosion dans la création de tableaux interactifs sur l’évolution des infections, des hospitalisations et des décès, sous plusieurs formes et avec des présentations conviviales. Avec, à la clef, un cours accéléré de statistiques pour le grand public.
De l’Université Johns Hopkins — dès janvier 2020 — jusqu’à Our World in Data de l’Université Oxford en passant par différents ministères de la Santé, quelques grands médias comme le New York Times et le Financial Times, et de simples individus: ils sont nombreux à avoir tenté de mettre de l’ordre dans ce chaos de chiffres.
« La météo est peut-être la chose la plus proche à laquelle on pouvait se comparer », commente dans la revue Nature Lisa Charlotte Muth, conceptrice en données pour une firme allemande qui, lorsque la pandémie a pris racine en Europe, s’est retrouvée très en demande dans les médias désireux d’enrichir leurs reportages et, surtout, de mieux vulgariser l’évolution de ce virus.
Qu’ils en aient été conscients ou non, des gens à travers le monde ont été enrôlés depuis deux ans dans un cours sur les maths, les statistiques et les probabilités. Avec, au coeur de ce cours, un peu de « graphicatie » ou « littératie graphique »: c’est-à-dire « la capacité à comprendre des graphiques et des tableaux », résume Maarten Lambrechts, consultant belge en visualisation de données. « Beaucoup plus de gens ont maintenant une meilleure compréhension de la façon dont un tableau fonctionne et comment ils peuvent l’interpréter. »
Bien sûr, ces tableaux ont également été utilisés à mauvais escient: « des efforts pour changer le message que le tableau présente » ont été nombreux et continuent de l’être. Mais même chez les lecteurs de bonne volonté, les créateurs de ces tableaux sont régulièrement pris par surprise: plusieurs personnes peuvent avoir une préférence pour les graphiques à barres, tout en ayant du mal à estimer correctement ce que les différentes proportions veulent dire.
Et puisqu’on est à l’heure des médias sociaux, « l’engagement » s’est révélé lui aussi important. John Burn-Murdoch, journaliste de données au Financial Times, est devenu depuis mars 2020 un habitué des « enfilades » sur Twitter — une série de tweets — où il explique la signification du dernier tableau de son journal ou des données de la semaine dans plusieurs pays. Les médias sociaux permettent aussi davantage de transparence, en expliquant le travail derrière la collecte des données ou les raisons de tel visuel plutôt que tel autre.
De semblables efforts pourraient s’appliquer à beaucoup d’autres secteurs qui ont besoin d’être mieux expliqués ou qui gagneraient à ce qu’on voit l’évolution d’une actualité dans le temps: de la crise climatique à la criminalité, explique la journaliste de Nature. Chose certaine, l’une des leçons apprises de cette explosion de tableaux interactifs sur la COVID est qu’ils ne coûtent pas grand-chose à créer. Le Coronavirus Resource Center de l’Université Johns Hopkins, devenu un incontournable ces deux dernières années, a été créé en quelques jours par deux personnes, Lauren Gardner, une professeure en ingénierie des systèmes, et son étudiant au doctorat Ensheng Dong, avec pour point de départ, racontent-ils, des données venues de Chine essentiellement rassemblées sur « une Google Sheet ».
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