Après trois semaine de guerre entre la Russie et l’Ukraine, les impacts économiques continuent de se faire sentir, et si la situation demeure relativement floue et soumise à divers soubresauts, notamment du côté du prix de l’essence, certains spécialistes commencent à entrevoir des tendances lourdes. Ainsi, l’invasion russe pourrait notamment être l’élément déclencheur d’une « démondialisation » des chaînes d’approvisionnement.
Au dire de l’Economist Intelligence Unit, qui vient de publier une note d’information sur cette épineuse question, cette démondialisation touchera les secteurs de l’automobile et d’autres industries qui dépendent largement de diverses entreprises, réparties dans plusieurs pays. Ces mêmes chaînes d’approvisionnement avaient déjà été fragilisées par les impacts de la pandémie, puis de la reprise découlant de la relance de l’activité économique subséquente.
« Les difficultés provoquées par l’invasion russe vont prolonger ces problèmes et accroître la pression sur les compagnies pour raccourcir leurs chaînes d’approvisionnement et développer leur résilience », écrit-on dans cette note d’information.
« Cela pourrait vouloir dire augmenter le nombre de composantes en stock, réduire les normes de production dites du « juste à temps », ou investir davantage dans les fournisseurs locaux. »
De fait, au même moment où des pays comme la Chine perdent peu à peu leur avantage concurrentiel en raison de la hausse des prix, y compris celle des salaires, les experts de l’Economist Intelligence Unit jugent que le moment est idéal pour que les gouvernements investissent dans la production locale, d’autant plus que la course aux véhicules électriques se teinte d’un aspect nationaliste.
Assurer l’approvisionnement en nourriture
Pendant que l’Ukraine, grenier à blé de l’Europe, ploie sous les bombes russes, un autre pays qui est un important exportateur de blé, divers gouvernements pourraient aller de l’avant avec des programmes visant à assurer une production alimentaire locale suffisante pour répondre aux besoins des populations, et ainsi moins dépendre des importations.
« Les prix demeureront élevés pendant une certaine période » en raison du conflit; résultat, divers États, comme l’Allemagne, pourraient favoriser une transition vers une alimentation qui contient moins de viande, et donc qui repose moins sur l’élevage, une pratique qui nécessite l’utilisation de grands espaces agricoles pour y faire pousser le fourrage qui nourrira ensuite les animaux.
Autre avantage: les émissions polluantes seront elles aussi réduites, puisque la production de viande est particulièrement énergivore.
Dans la même perspective, le désir de plusieurs pays, notamment l’Allemagne et d’autres nations européennes, de s’affranchir de la dépendance aux combustibles fossiles, entraînera probablement une transition vers des énergies vertes.
Pour aller de l’avant, cependant, écrivent les experts, il faudra non seulement investir massivement dans des technologies tout sauf tape-à-l’oeil, comme l’isolation des maisons, mais aussi repousser la mise hors service des centrales nucléaires, voire reporter la fermeture de centrales au charbon, dont l’énergie pourrait être essentielle pour éviter qu’une partie de la population ne puisse plus se chauffer ou s’éclairer, sans gaz russe, par exemple.
Et autre impact de cette transition forcée, les pays développés ne seront probablement plus en mesure de financer le verdissement des sources d’énergie des économies en développement, alors que ces investissements étaient déjà bien en-deçà des objectifs. Il est donc probable que la fracture énergétique et environnementale entre le Nord et le Sud s’accentue, au risque de devenir un véritable gouffre.
Une finance mondiale… ou deux mondes financiers?
Les sanctions imposées à la Russie par une grande partie des pays occidentaux l’ont été avec une vitesse et une ampleur jamais vues. Gel des avoirs à l’étranger, fermeture des espaces aériens, annulation des permis d’import-export…
Si « les conséquences pour le système bancaire russe seront limitées à court terme », à plus longue échéance, cela pourrait pousser Moscou et d’autres pays à se désolidariser du système financier mondial tournant autour du dollar américain pour plutôt se rabattre sur d’autres méthodes.
Ce schisme banquier se répercutera aussi, croient les experts, dans le domaine technologique. Plusieurs centaines de compagnies ont déjà annoncé la fin de leurs activités en Russie, y compris des détaillants comme Samsung et Apple, qui y vendaient des produits et services numériques.
Si les Américains disposent d’un avantage indéniable en ce qui concerne la production de composantes, ce qui confère un moyen de pression importante à Washington, la gestion d’internet, elle, « devrait se régionaliser de plus en plus », à l’instar de la Chine, qui maintient un contrôle très étroit sur ce qui circule dans ses réseaux numériques. Déjà, la Russie a bloqué plusieurs services et applications sur son territoire, notamment dans le but de contrôler la circulation de l’information.
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