Peut-on échapper à ce qui semble inéluctable? Dans Noces de coton, Edem Awumey place le lecteur devant un choix cornélien: se condamner soi-même à une vie de misère, ou accepter la servitude face à une entreprise multinationale qui finira par s’accaparer le mode de vie qui représente les fondations de toute une existence.
Dans une grande ville africaine, un musée, celui de la Révolution verte, un nom trompeur pour exposer de fausses photos de paysans travaillant le coton « à l’ancienne », le tout commandité par la Firme, qui vend sa propre sorte de coton transgénique qui s’avère être un désastre économique et environnemental. Et dans ce musée, deux hommes: le premier est un journaliste venu voir l’exposition en question; le deuxième est un agriculteur maintenant sans le sou, qui a juré de… juré de faire quoi, au juste? Se venger?
Noces de coton aurait pu être un roman de confrontation. Après tout, Toby Kunta, l’agriculteur floué, a bien l’intention de détruire les photos présentées dans le cadre de l’exposition. Et pour s’assurer que les autorités le laissent tranquille, le voilà qui prend le journaliste en otage, en plus de réclamer une rançon de 200 millions de dollars.
Pourtant, le roman est plutôt un livre exploratoire, pour partir à la découverte d’un monde que l’on pourrait espérer être optimiste et annonciateur d’un avenir radieux. Il n’en toutefois rien. Ce que l’on explore, c’est la longue et pénible relation des peuples « pauvres » avec les pays riches, les exploitants, ceux qui prétendent venir pour aider, mais qui ne cherchent qu’à s’en mettre plein les poches. Une approche profondément destructrice, il va sans dire, mais qui demeure l’approche de prédilection dans notre monde contemporain.
Le hic, en fait, c’est qu’il n’existe pas vraiment de meilleure méthode. Cultiver à l’ancienne? Il faut alors s’attendre à se casser le dos pour récolter le coton à la main, utiliser d’énormes quantités d’eau, et être esclaves de la météo, des maladies, etc. Cultiver selon les nouvelles méthodes? Rien ne prouve que la fibre sera de meilleure qualité, et l’asservissement sera ici réalisé par rapport aux entreprises, plutôt qu’avec la Nature (quoique…).
Noces de coton n’apporte pas de réponse à ce questionnement tout à fait d’actualité. Mais la réflexion demeure importante, essentielle, même, pour espérer trouver de nouvelles portes de sortie et ainsi sortir de ce cercle vicieux.
Noces de coton, d’Edem Awuney; publié chez Boréal, 252 pages
Abonnez-vous à notre infolettre tentaculaire
Encouragez-nous pour le prix d’un café
À l’occasion du mois de la francophonie, l’équipe de Pieuvre.ca tient à souligner son attachement à la qualité de la langue française. Voilà pourquoi nous utilisons quotidiennement Antidote pour réviser nos textes.