Disponible depuis la semaine dernière en 4K, Blu-ray et DVD, The Matrix Resurrections n’est malheureusement pas à la hauteur de la trilogie dont il constitue la suite, et ce quatrième volet risque de décevoir la plupart des inconditionnels de la vénérable franchise.
Thomas Anderson est un concepteur de jeux vidéo de renommée mondiale. Un beau jour, Warner Brothers, les propriétaires de la compagnie pour laquelle il travaille, décide de capitaliser sur la nostalgie et le succès de la trilogie qui l’a rendu célèbre vingt ans plus tôt, et force la main de son studio afin qu’ils produisent une suite. Obligé de replonger dans l’univers de son jeu vidéo intitulé The Matrix, les épisodes d’anxiété, pour lesquels Thomas Anderson a dû consulter un psychiatre durant des années, reviennent en force, et celui-ci recommence à avoir l’impression tenace qu’il vit à l’intérieur d’une simulation élaborée par des machines qui maintiennent l’humanité en esclavage. Assailli de doutes, l’homme dans la cinquantaine se demande si ce qu’il considérait comme une œuvre de fiction ne serait pas en fait ses propres souvenirs refoulés, et il devra une fois de plus tenter de s’échapper de la Matrice.
Contrairement à la vaste majorité des cinéphiles, qui ont adoré le premier Matrix mais détesté ses deux suites, Reloaded et Revolutions, je dois avouer que je suis un fan fini de l’ensemble de la trilogie, que je considère personnellement comme l’une des œuvres de science-fiction les plus importantes des trente dernières années. J’étais donc très emballé à l’idée de visionner cette suite tant attendue, mais malheureusement, ma déception à l’égard de Resurrections n’a fait qu’empirer de minute en minute. Après le premier tiers du film, au moment où Thomas Anderson s’extirpe enfin de cette Matrice version 2.0 et regagne le monde « réel », les choses s’améliorent un peu, mais pas de façon assez suffisante pour réhabiliter ce quatrième opus, qui aurait peut-être constitué un film acceptable s’il n’existait pas dans l’ombre d’un des plus grands chefs-d’œuvre du genre.
The Matrix Resurrections se situe quelque part entre un remix et une suite en bonne et due forme, et l’œuvre, qui se veut méta, s’autoréférencie un peu trop pour son propre bien. Ce quatrième volet débute exactement comme le tout premier Matrix, reprenant les mêmes dialogues, mais mettant en vedette des acteurs différents dans les rôles de Trinity et de l’agent Smith. La réalisatrice Lana Wachowski amalgame parfois deux scènes déjà vues en une seule, notamment celle où Neo échappe aux agents en suivant les instructions données par téléphone et celle du sauvetage de Morpheus dans des bureaux inondés par le jet des gicleurs. Elle montre Neo en train de manger un steak, une référence directe à la trahison de Cypher dans le premier film, et insère souvent des images de la trilogie originale à travers le montage, les projetant même en arrière-plan de certaines séquences comme une sorte de décor.
L’analogie entre les lignes de code et les averses de pluie ou les gouttelettes d’eau sont de retour, mais la teinte verte qui dominait la cinématographie a presque entièrement disparue, et les images sont beaucoup plus colorées cette fois-ci. Le choix entre la pilule rouge et bleue est utilisé à outrance, et le long-métrage refait une fois de plus la scène du réveil dans un cocon gélatineux. Les combats semblent beaucoup moins impressionnants, mais c’est peut-être parce qu’on ne compte plus le nombre de films ayant repris les ralentis du « bullet time » depuis, avec leurs cascades défiant la gravité. Au-delà d’un style visuel moins emballant, c’est surtout le scénario qui déçoit, et contrairement à la trilogie originale, The Matrix Resurrections n’est pas un thriller cyberpunk sur la révolution, une fable opposant le destin au libre-arbitre, ou une allégorie sur fascisme, la société de consommation, et la façon dont nous sommes tous programmés par notre éducation et notre environnement, mais raconte plutôt la crise de foi d’un messie devenu vieux, et une histoire d’amour mièvre entre deux amants que le temps a séparé.
Certains des acteurs de la trilogie originale sont de retour dans The Matrix Resurrections, dont un Keanu Reeves qui a visiblement pris du métier et dont la performance est moins figée que par le passé, Carrie-Anne Moss, Jada Pinkett Smith et Lambert Wilson. Pour une raison obscure, la distribution remplace plusieurs acteurs avec des nouveaux venus qui reprennent les mêmes rôles. Laurence Fishburne brille par son absence, et son remplaçant, Yahya Abdul-Mateen II (qu’on a pu voir dans le récent Candyman) n’apporte pas la même gravité à Morpheus, sans parler de son sens du style beaucoup plus discutable avec ses costumes jaune pipi ou turquoise. Malgré tous ses efforts, Jonathan Groff, le nouvel agent Smith, évoque davantage le président d’une start-up informatique qu’un représentant du FBI, et il ne parvient pas à faire oublier l’excellent Hugo Weaving. Parmi les nouveaux-venus, on remarque Neil Patrick Harris, Christina Ricci, et Jessica Henwick de Games of Thrones.
La version ultra-haute définition inclut The Matrix Resurrections sur disques 4K et Blu-ray, ainsi qu’un code donnant accès à une copie numérique. L’édition compte près de deux heures de matériel supplémentaire. Lana Wachowski explique les raisons l’ayant motivée à réaliser cette suite ainsi que son processus d’écriture collaborative avec les scénaristes David Mitchell et Aleksandar Hemon dans Resurrecting The Matrix. Dans une revuette, les acteurs principaux tente de résumer la trilogie originale dans leurs mots, avec un succès approximatif. Dans une autre, Keanu Reeves et Carrie-Anne Moss parlent de leur collaboration et de la relation entre leurs personnages. On a droit à des courts documents vidéo consacrés aux scènes d’action, ou aux nouveaux comédiens ayant intégré cet univers. Une dizaine de revuettes d’environ cinq minutes chacune nous entraînent dans les coulisses d’autant de scènes du film.
Bien sûr, malgré toutes les critiques négatives qu’ils ont pu lire, les fans de la franchise de science-fiction voudront voir par eux-mêmes ce nouvel opus, mais malheureusement, The Matrix Resurrections est une suite qui n’était pas nécessaire, et qui n’apporte absolument rien de plus à l’œuvre originale, ce qui est vraiment dommage.
6/10
The Matrix Resurrections
Réalisation : Lana Wachowski
Scénario : Lana Wachowski, David Mitchell et Aleksandar Hemon
Avec : Keanu Reeves, Carrie-Anne Moss, Yahya Abdul-Mateen II, Jonathan Groff, Jessica Henwick, Neil Patrick Harris, Jada Pinkett Smith et Lambert Wilson
Durée : 148 minutes
Format : UHD (4K, Blu-ray et copie numérique)
Langue : Anglais, français, allemand, italien et espagnol
Un commentaire
« . Pour une raison obscure, la distribution remplace plusieurs acteurs avec des nouveaux venus qui reprennent les mêmes rôles. » Laurence Fishburne n’a pas été contacté (quand on a vu le film le choix est logique), Hugo Weaving était partant pour rempiler mais il a du refusé à cause d’un conflit de planning.