Il y a une tendance prévisible dans ce qui semble être la fin de la pandémie: c’est que ce sont les pays riches qui décident qu’on est dans ce qui semble être la fin de la pandémie.
Autant en Europe qu’en Amérique du nord, les restrictions sanitaires tombent les unes après les autres et l’une des expressions préférées des politiciens est « le retour à la normale ». Non sans raison: en moyenne, 80% des habitants des pays les plus riches ont eu au moins une dose du vaccin. Mais seulement 13% dans le reste de la planète: à travers le monde, 2,9 milliards de personnes attendent encore leur première dose. Et bien que dans plusieurs pays, on ne dispose d’aucun moyen pour évaluer le nombre de morts de la COVID, là où c’est partiellement possible, comme en Inde, on se rend compte que les chiffres officiels (500 000 décès) sont très en-dessous de la réalité (peut-être 5 millions).
Pourtant, note le magazine The Atlantic, cet empressement des pays riches à décréter la pandémie terminée, est un scénario qu’on a observé avec la malaria, la tuberculose ou le sida: des maladies infectieuses « qui sont désormais vues comme des maladies du Tiers monde ». Elles étaient jadis de sérieuses menaces dans les pays plus riches et lorsque cette menace s’est estompée, ces pays ont réduit les investissements dans de nouveaux programmes et outils. C’est ce qui attend probablement la COVID, disent les auteurs: « certaines pandémies ne se terminent jamais tout à fait. Elles deviennent juste invisibles aux peuples de l’hémisphère nord. »
On en a encore vu un exemple tout récemment avec la malaria. Bien que cette maladie soit connue depuis des milliers d’années, et bien qu’elle ait déjà été une menace en Europe, il a fallu attendre l’an dernier pour que, pour la toute première fois, un vaccin partiellement efficace chez les enfants, commence à être utilisé à grande échelle. On estime pourtant les décès causés par la malaria, en 2021 seulement, à plus de 600 000, presque tous en Afrique subsaharienne.
« Quand on dit « épidémie », on veut en fait dire une pandémie qui ne tue plus les gens dans les pays riches », écrivait cyniquement, l’été dernier, Peter Sands, président de l’organisme Global Fund, engagé dans la lutte cotre la malaria, la tuberculose et le sida. Et quand on dit « endémie », « on veut dire une épidémie dont le monde pourrait se débarrasser mais ne l’a pas fait ». Permettre à ces maladies « de continuer à se répandre ailleurs est un choix politique et budgétaire ».
Officiellement, l’Organisation mondiale de la santé maintient son objectif d’avoir vacciné 70 % de la planète contre la COVID à l’été 2022. Mais ces dernières semaines, on a pu entendre dans certains pays des arguments à l’effet que l’allocation des ressources pour la vaccination serait désormais moins urgente, puisque la vague Omicron est passée, ou puisque le virus serait entré dans sa phase endémique. Déjà en 2021, l’initiative COVAX, mise sur pied en 2020 pour distribuer des vaccins aux pays du Sud, n’a pas atteint la moitié de son objectif de 2 milliards de doses.
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