Dans une chambre de motel, un homme va mourir. Cet homme, c’est Martin Luther King. Et pendant 1h40, les spectateurs d’Au sommet de la montagne, jouée chez Duceppe, auront droit à un aperçu de la vie personnelle de cette figure plus que marquante.
Le contexte est plus que tendu: adulé par certains, détesté par beaucoup, Martin Luther King a été la figure de proue du mouvement des droits civiques aux États-Unis, durant les années 1960. Mais le fardeau est lourd à porter, et si King est un monument, il n’est aussi qu’un homme.
Cette pièce, écrite par Katori Hall et mise en scène par Catherine Vidal, se déroule quelques heures seulement après que le Dr King eut prononcé son sermon I’ve Been to the Mountaintop, l’un de ses discours les plus connus. Dans sa chambre de motel, pourtant, King, ici superbement interprété par Didier Lucien, est fatigué, a la voix enrouée, et est carrément déçu du faible auditoire, selon lui, qui a assisté à son événement tenu plus tôt dans la journée.
Arrive une femme de chambre qui lui apporte un café, et de là s’engage un dialogue sur le mouvement des droits civiques, sur le racisme, le vivre-ensemble, voire sur l’existence elle-même. Qui est Martin Luther King, au juste, pour tenter de mener ses frères à la terre promise? Est-ce seulement un objectif atteignable? Le texte de Katori Hall slalome entre ces écueils philosophiques, voire théologiques, en tentant cette mise en perspective dans le cadre d’un huis clos.
La tâche était dantesque, et force est d’admettre que l’on ne savait pas exactement ce à quoi s’attendre, y compris lors de l’entrevue avec M. Lucien et Sharon James, la comédienne qui interprète ladite femme de chambre. Non pas que les deux interprètes ne jouent pas bien leur rôle, bien au contraire, mais Au sommet de la montagne souffre peut-être d’un problème de ton. Sans trop en dévoiler, d’autant plus que la pièce réserve son lot de surprises, mais on vogue ici entre le flirt, l’humour et les grands questionnements philosophiques.
Personne ne s’attendait, bien sûr, à assister à un débat philosophique entre grands penseurs, mais il est légèrement surprenant de consacrer presque une heure à des échanges légers entre nos personnages, puis de conclure la pièce sur l’équivalent d’une recension des avancées (et des reculs) des droits civiques aux États-Unis et ailleurs après la mort de MLK. Avec un personnage historique aussi important sous la main, a-t-on trop insisté sur le côté humain du personnage?
En un sens, il serait possible d’arguer qu’il n’existe pas de pièce de théâtre parfaite pour parler de Martin Luther King et de tous les enjeux liés au personnage. Comme il n’existe probablement pas de documentaire ou de biographique idéale, non plus. L’homme et ses idéaux étaient complexes, tout comme l’époque lors de laquelle ces derniers ont été exprimés. À l’instar de son sujet, donc, Au sommet de la montagne n’est pas parfaite, tant s’en faut, mais l’oeuvre a certainement le mérite de posséder une distribution plus que solide, et surtout d’aborder des thèmes qui sont encore tristement présents dans notre société, malgré le passage des années.
Au sommet de la montagne, de Katori Hall, dans une traduction d’Edith Kabuya et une mise en scène de Catherine Vidal. Avec Didier Lucien et Sharon James, au Théâtre Jean-Duceppe jusqu’au 26 mars.