Pour chaque nouvel album du sextuor post-métal suédois Cult of Luna, l’amateur doit patiemment accumuler les écoutes avant de parvenir à percer le caractère monolithique et les denses ambiances de leur musique. Et même si le groupe mené par Johannes Persson produit dorénavant à un rythme beaucoup plus soutenu, sa démarche se complexifie et son approche se diversifie, ce qui accentue cette impression de perpétuel recommencement.
Mais on le souligne positivement: peu de groupes de la scène métal confirment leur pertinence comme Cult of Luna à chaque nouvelle entrée à sa discographie. The Long Road North ne fait pas exception.
Deux ans et demi après A Dawn To Fear (2019), donc, Cult Of Luna revient avec un neuvième effort studio qui réaffirme son obstiné désir de ne pas se répéter. Parce que même si The Long Road North poursuit l’exploration sonore de son prédécesseur – davantage un signe de stabilité de la formation à géométrie variable que d’une paresse créative on s’entend –, il laissera l’auditeur sur le qui-vive grâce à de judicieuses collaborations et à d’habiles alternances d’intensités.
Les premières notes de Cold Burn, pièce d’ouverture, témoignent de ce changement dans la continuité. Les premières notes de claviers, angulaires, évoquant presque le travail de Hans Zimmer sur les films de Christopher Nolan évoquent certainement l’approche plus froide et mécanique de Vertikal (2013), mais sont rapidement couplées à de puissantes notes de guitare et de dynamiques rythmiques de batterie qui réchauffent ces premiers moments glaciaux.
Et ça se passe à haut tempo. Même chose sur The Silver Arc, deuxième titre en liste ici. Une collection de riffs impériaux s’enchaînent par la ponctuation effrénée de la batterie de Thomas Hedlund.
Beyond I enchaîne avec le premier moment d’introspection de l’album. La chanteuse suédoise Mariam Wallentin et sa voix fantomatique portent cette pièce vaporeuse avec grâce jusqu’à An Offering to the Wild, pièce maîtresse de The Long Road.
Se déployant sur plus de 12 minutes, cette composition-fleuve est judicieusement assemblée pour orchestrer une cathartique montée en intensité. C’est aussi le premier morceau sur lequel on entend pour la première fois sur le disque l’apport de Colin Stetson, l’iconoclaste saxophoniste américain.
Mais la colonne vertébrale d’An Offering to the Wild, c’est ce riff de guitare écorchée qui agit comme refrain et mélodie dans le morceau. Les arrangements de claviers sont également fort intéressants sur ce morceau, comme ils l’étaient sur A Dawn To Fear. Le groupe profite d’ailleurs beaucoup de l’apport créatif de Kristian Karlsson (p.g.lost) depuis qu’il s’est joint au groupe en 2013.
Into the Night est le second moment d’accalmie, un doux intermède chanté par le guitariste Fredrik Kihlberg et qui permet une pause des cris de Persson.
Full Moon vient ensuite préparer la table à la pièce titre, The Long Road North et Blood Upon Stone, deux monolithes comme seuls Cult of Luna sait en ficeler.
Ce qu’on retiendra de ce neuvième album du groupe c’est sa maîtrise des ambiances et des dynamiques changeantes dans son ensemble. Ces alternances d’attaques et de moments exploratoires à l’intérieur d’une même chanson fait la renommée de Cult of Luna depuis ses débuts (mais surtout depuis The Beyond), mais ces mouvements sont particulièrement réussis sur l’ensemble de l’expérience d’écoute.
Pour une première fois depuis une quinzaine d’années, Cult of Luna nous livre un album sans concept, mais The Long Road North est tout de même un album d’une rare cohérence et un des ajouts les plus collaboratifs et réfléchis à son colossal catalogue.
MA NOTE : 9 / 10
Cult of Luna
The Long Road North
Metal Blade Records, 2022
79 minutes