Trois conférenciers derrière des tables, et qui en attendent un quatrième, font face à la salle. De quoi vont-ils nous parler? Quel est l’objet de leur conférence? En quoi va consister leur argumentation? Ils sont munis de micros, ils prennent des notes, il y a des verres avec de l’eau pour les hydrater lors de leurs prestations orales, un plan est inscrit sur un tableau.
Tout parait très sérieux et organisé comme un colloque universitaire plutôt qu’une rencontre politique ou autre. Mais on ne sait pas trop. Et on n’en saura rien jusqu’à la fin de la prestation. Car tout le jeu de la pièce consiste à ne rien dire, ou seulement dire de manière si désordonnée et décousue que finalement on n’en tire rien, absolument rien.
L’idée de départ n’est pas mauvaise. Et pour avoir participé à bien des colloques universitaires, j’ai pensé que la performance n’était pas sans ressemblance avec ce que j’avais parfois vécu. Mais cette idée de départ suffit-elle à construire une pièce de théâtre de près d’une heure et demie? Je me questionne un peu…
À son commencement, la pièce est assez drôle. Il faut dire qu’elle est interprétée par trois acteurs vraiment talentueux. Chacun des personnages est bien travaillé avec sa tenue vestimentaire, ses obsessions et ses névroses.
Karine Gonthier-Hyndman dans le rôle de Marie-Luc, vogue en permanence entre agacement et hystérie. Vêtue de manière très voyante, elle ne risque pas de passer inaperçue. C’est elle qui semble la plus brillante de l’assemblée, même si elle s’emmêle (et c’est peu de le dire) à la seule présentation des consignes de sécurité pour l’évacuation des spectateurs. Il y a ensuite Lothaire, interprété par Olivier Morin, un personnage très sympathique, sensible et émotif, et passablement décalé de la réalité. Avec sa raie au milieu sur ses cheveux gominés et sa large cravate, il ne répond pas aux stéréotypes de la masculinité qu’on pourrait attendre du seul homme de ce genre d’assemblée.
Enfin, il y a Claude interprétée par Raphaëlle Lalande, celle qui contre toute attente va être l’objet des plus fortes attentions. Avec son jean et sa chemisette décontractée, elle a le look de l’universitaire transparente qui se soucie bien peu de sa tenue vestimentaire. Un quatrième est absent. Sa chaise reste vide. Même si les trois autres renoncent à l’attendre, son absence plane jusqu’au bout, sans qu’on puisse obtenir le fin mot de l’histoire.
La pièce joue sur l’absurde, les paroles creuses, les idées qui n’en sont pas et le narcissisme de ceux qui s’écoutent parler, convaincus qu’ils sont de prononcer des paroles essentielles et qui méritent d’être religieusement écoutées et méditées. Mais la pièce m’a laissée sur ma faim. Il y a certes quelque chose d’une progression dramatique, mais peut-être aurait-il fallu aller encore plus loin dans cette logique du rien. Car si le langage se réduit à ce point à la confusion et au vide, c’est aussi l’humanité qui devrait probablement disparaitre.
Limbo, du 17 février au 1er mars 2022 au Théâtre aux Écuries, à Montréal